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on ne peut s’empêcher qu’elles ne sautent aux yeux, ne prouvent-elles pas avec surabondance, ce qui fait peur à penser, mais qui n’en est pas moins une vérité frappante, que le crime de se faire prince du sang et habile à succéder à la couronne avec une patente qui s’enregistre tout de suite, sans que qui que ce soit ose même en soupirer trop haut, est un crime plus noir, plus vaste, plus terrible, que celui de lèse-majesté au premier chef, et qui, outre tous ceux qui à divers degrés portent le nom de lèse-majesté qu’il renferme, en présente sans nombre qui en aggravent l’espèce énorme, et qui n’avoient jamais été imaginés.

Rapprochons d’autres temps à celui-ci, quelques-uns même qui n’en sont pas fort éloignés, et qu’une courte mention en soit permise sans sortir de ce qui s’en trouve épars dans ces Mémoires. Cette tendresse d’un roi puissant pour les enfants de son amour, cultivée sans cesse par la dépositaire funeste de son cœur qui avoit été leur gouvernante, et qui aimoit M. du Maine comme son propre fils depuis le sacrifice entier qu’il lui avoit fait de sa propre mère ; cette jalouse et superbe préférence de sentiment des enfants de la personne, et qui n’étoient rien que par elle, sur les enfants du roi, grands par cet être indépendant de lui qui fut toujours un si puissant ressort dans l’âme de Louis XIV, avoient bien pu l’engager en leur faveur aux premiers excès sur l’extérieur des princes du sang tacitement usurpé, et à leur prodiguer les charges et les biens, même à marier leurs sœurs dans les nues. Mais on a vu qu’il résista longtemps au mariage des frères, et qu’il ne feignit pas de dire et de répéter que ces espèces-là ne devoient jamais se marier.

En effet ce fut à toutes peines et à la fin sous le seul prétexte de la conscience, que M. du Maine arracha la permission de se marier. On a vu que Longepierre fut honteusement chassé de chez le comte de Toulouse et de la cour pour avoir parlé de son mariage avec Mlle d’Armagnac dont il étoit