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porter-à la couronne, à l’exclusion de tous autres que le Dauphin et sa postérité ? Sans doute il y a plus loin de tirer du non-être par état, et de porter après ces ténébreux enfants au degré de puissance qu’on voit ici par leurs établissements, et à l’état de rang entier des princes du sang, avec la même habileté de succéder à la couronne ; sans doute, il y a plus loin du néant à cette grandeur, que de cette grandeur à la couronne. Le total est à la vérité un tissu exact et continuel d’abus de puissance, de violence, d’injustice, mais une fois prince du sang en tout et partout, il n’y a plus qu’un pas à faire ; et il est moins difficile de donner la préférence à un prince du sang sur les autres pour une succession dont on se prétend maître de disposer, puisqu’on se le croit, de faire des princes du sang par édit, qu’il ne l’est de fabriquer de ces princes avec de l’encre et de la cire, et de les rendre ainsi tels sans la plus légère contradiction.

On a coté exprès le nombre des degrés qui ont porté les bâtards à ce comble, pour n’être pas noyé dans leur nombre. Qu’on examine le trente-neuvième et le cinquantième, on y trouvera les avantages qui y sont accordés aux enfants du duc du Maine fondés, libellés, établis, et causés, comme petits-fils du roi ; le mot de naturel y est omis. Ce n’est pas que cela se pût ignorer, mais enfin il ne s’y trouve point. Voilà donc le fondement du droit qui leur est accordé en tant de choses et de façons par ces articles ! Ce fondement ainsi déclaré et réitéré est le même qui très explicitement se suppose où il n’est pas exprimé, pour tout ce qui leur est donné de nouveau ; ainsi c’est comme descendants du roi que les descendants de ses deux bâtards sont avec eux appelés à la couronne après le dernier prince du sang. Mais nul autre qu’eux, excepté l’unique Dauphin et la branche d’Espagne, ne descendoit du roi. Le Dauphin étoit unique et dans la première enfance ; sans père ni mère, morts empoisonnés ; la branche d’Espagne avoit renoncé à la succession française ; M. le duc d’Orléans, rendu odieux et suspect avec grand art, n’avoit