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au secret dont ce mystère d’iniquité avoit tant intérêt de se couvrir, et dont les artisans sentoient si bien l’importance. Ce fut aussi ce qui fit conserver à Voysin cette place de secrétaire d’État, qui lui donnoit une occasion nécessaire de travailler presque tous les jours seul avec le roi ou Mme de Maintenon en tiers unique, et la faculté des prétextes d’y travailler extraordinairement et tous les jours, et plus d’une fois par jour tant que bon lui sembloit, sans que cela parût extraordinaire au roi ni à sa cour. Par là Voysin se trouvoit à portée d’examiner les moments, les humeurs, de sonder, d’avancer, de s’arrêter ; par là nul temps perdu qui ne se pût retrouver le lendemain, et quelquefois le jour même ; par là liberté de discuter et de pousser sa pointe quand il y trouvoit lieu, et de prolonger la conversation tant qu’il étoit nécessaire ; sans quoi ils n’en seroient jamais venus à bout.

Le roi, malgré tout ce qu’il sentoit d’affection pour ses bâtards, avoit toujours des restes de ses anciens principes. Il n’avoit pas oublié l’adresse de la planche de la légitimation du chevalier de Longueville sans nommer la mère, pour parvenir à donner un état à ses enfants, lorsqu’il avoit voulu les tirer de leur néant propre, et de l’obscurité secrète dans laquelle ils avoient été élevés. De ce néant, ce qu’il fit par degrés pour les conduire possiblement au trône est si prodigieux que ce tout ensemble mérite d’être exposé ici sous un même coup d’œil tout à la fois, et comparer les premiers degrés qui, par un effort inconnu jusqu’alors de puissance, les égala peu à peu aux autres hommes, en les égalant aux droits communs de tous ; avec les derniers qui les portèrent à la couronne. On ne parlera ici que des enfants de Mme de Montespan.