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vouloit épouser. Cette raison la fit dépayser et marier à Rome, en avril 1661, au connétable Colonne, qu’elle perdit en 1689. On aura lieu de parler d’elle encore.

Hortense, qui, avec vingt-huit millions de dot, des dignités, des gouvernements, etc., et l’obligation de prendre en seul le nom et les armes de Mazarin, épousa le duc Mazarin, fils unique du maréchal de La Meilleraye, desquels aussi on a suffisamment parlé.

Enfin Marie-Anne, mariée, 20 avril 1662, au duc de Bouillon qui avoit acheté en 1658 de la maison de Guise la charge de grand chambellan de France.

Ajoutons à tant de grandeur que la sœur aînée du cardinal Mazarin avoit épousé en 1634 Jérôme Martinozzi, soi-disant gentilhomme romain, dont elle n’eut que deux filles que le cardinal Mazarin maria aussi passablement, l’aînée en 1655 à Alphonse d’Este, duc de Modène, et la reine d’Angleterre, épouse de Jacques II, morts à Saint-Germain, étoit leur fille : l’autre au prince de Conti, frère de M. le Prince le héros, dont deux fils : l’aîné mort fort jeune, gendre naturel du roi ; l’autre si connu par sa réputation, qui fut un instant roi de Pologne, et dont le prince de Conti d’aujourd’hui est petit-fils. Ainsi Mme de Bouillon, avec quatre sœurs si grandement établies, se trouvoit comme elles cousine germaine de la princesse de Conti et de la duchesse de Modène, mère de la reine d’Angleterre réfugiée en France. Le cardinal Mazarin avoit doté ses sept nièces, et on peut imaginer comment, pour les placer si haut d’une naissance si persévéramment basse, pauvre et obscure. Ajoutez-y les vingt-huit millions de sa véritable héritière, les biens qu’il donna à M. de Nevers, dont le duché est une province, les meubles, les maisons, les bijoux, les pierreries, les statues et les tableaux, les gouvernements et les charges, et on verra ce que c’est qu’un premier ministre pour un roi, pour ses sujets, pour un royaume. Encore faut-il avouer que cet effréné pillage en est le plus léger et le moins