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appui, pour la princesse d’Auvergne, à n’avoir pas à compter avec MM. de Bouillon pour la gestion des biens, ni pour l’établissement de sa fille. Le cardinal de Bouillon qu’ils avoient logé chez eux à Bruxelles voyoit cela à regret ; il étoit tombé dans l’indigence par la saisie de ses bénéfices et la confiscation de ses biens, ceux de sa petite-nièce lui faisoient grande envie.

Un fort mince gentilhomme qu’on appeloit Mésy, qui avoit été page chez MM. de Bouillon, étoit devenu écuyer de la princesse d’Auvergne qui, depuis quelque temps, le regardoit de bon œil. Le cardinal s’en aperçut, suivit ses soupçons, les trouva très-bien fondés. La gloire du prétendu descendant des anciens ducs de Guyenne, et celle du premier homme de l’Église après le pape, comme il se le disoit, devoit être extrêmement blessée d’une pareille découverte, et encore plus alarmée des suites. Mais la vanité céda aux besoins ; il imagina qu’en favorisant ces amours jusqu’à les porter à l’union conjugale, et venant après à éclater, il déshonoreroit si parfaitement la princesse d’Auvergne par la honte de la mésalliance, qu’il la feroit déchoir de la tutelle, et que cette tutelle lui tomberoit au préjudice de la duchesse d’Aremberg, parce que Berg-op-Zoom et d’autres biens encore venoient à l’enfant du côté de son père et emporteroient même les maternels.

Dans cet infâme dessein il parla à Mésy, et comme par amitié et par intérêt pour sa fortune, l’encouragea à pousser sa pointe et à la tourner du côté du mariage, en quoi il lui promit toute protection. Instruit après par Mésy de ses progrès, il parla à sa nièce dont l’embarras ne se peut exprimer ; il en profita pour la rassurer et en tirer l’aveu de sa faiblesse, la plaignit, et la combla de trouver un consolateur et un confident dans celui qu’elle avoit le plus à redouter. De là peu à peu il fit l’homme de bien avec elle, et l’évêque, pour mettre sa conscience en sûreté en flattant sa passion. Il fit accroire à la princesse d’Auvergne et à Mésy