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collier et de le montrer à tout le monde. Les choses furent poussées si loin que Madame en fut parler au roi dans son cabinet. Elle ne se borna pas apparemment au procédé du collier de perles. L’embarras et la brouillerie de la mère et de la fille parurent en public ; la fille ne put soutenir la colère du roi et se tint au lit, où la Dauphine vint l’exhorter plusieurs fois.

M. le duc de Berry étoit trop amoureux pour n’être pas aussi affligé qu’elle, et M. le duc d’Orléans ne savoit que devenir entre eux. Il étoit question de bien pis que des perles. Le roi voulut que la femme de chambre fût chassée, et malmena M. le duc de Berry, qui se hasarda de lui en parler. Cet ordre mit Mme la duchesse de Berry hors de toute mesure. Il lui parut un affront que son orgueil ne pouvoit supporter, indépendamment de toutes les privations qu’elle trouvoit dans cette perte ; mais elle eut beau pleurer, crier, hurler, invectiver père et mari de la sacrifier à leur faiblesse, il fallut obéir, chasser la femme de chambre, aller demander pardon à Mme sa mère, à qui elle ne pardonna jamais, et lui rapporter le collier de perles. Mme la duchesse d’Orléans, satisfaite sur le principal, lui fit inutilement des merveilles, lui promit de la raccommoder avec le roi, et la mena dans son cabinet après le souper deux jours après, parce que le roi voulut lui faire sentir sa disgrâce. Il lui parla en père, mais en roi et en maître, en sorte qu’il ne manqua rien à son humiliation que de pouvoir être intérieurement humiliée. Elle reparut après quelques jours au souper du roi et en public, à son ordinaire, cachant à grand’peine la rage qui la dévoroit.

Mme de Saint-Simon, qui se tenoit à quartier tant qu’elle pouvoit d’un intérieur où il n’y avoit qu’à perdre et qui ne se pouvoit régler, ne prit aucune part en toute cette aventure, sinon d’être témoin le moins qu’elle put des larmes et des fureurs. J’en usai de même à l’égard de M. [le duc] et de Mme la duchesse d’Orléans. Depuis ce que j’ai rapporté que