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la précision la plus exacte, et je comblai le duc de Noailles d’une joie que ces mesures étroites ne purent diminuer. Jamais son commerce avec M. de Chevreuse n’avoit pu lui en ouvrir aucun avec M. de Beauvilliers ; et M. de Beauvilliers, auquel il avoit toujours inutilement buté par rapport à son jeune prince, dans les temps où il ne pouvoit rien, étoit en son absence devenu tout à coup l’étoile du matin, et le Dauphin la brillante aurore qui donnoit les couleurs à tout.

Rien de si vif, de si expressif que les remercîments que je reçus du duc de Noailles de lui avoir ramené ces deux seigneurs, avec lesquels il falloit maintenant compter, et plus encore à l’avenir, Beauvilliers surtout qui pénétroit la cour de ses rayons. Ils se virent donc, ils furent contents les uns des autres jusque-là que les deux ducs me surent gré de l’entremise, et me le témoignèrent, et le Noailles ne sut comment m’exprimer l’excès de son contentement et de sa reconnoissance. Il s’échafaudoit par-dessus ses espérances, et se flattoit d’arriver bientôt par ce chemin jusqu’au Dauphin. Son impatience là-dessus ne put souffrir de délai. Il s’expliqua là-dessus avec moi, il ne ménagea pas même l’ouverture comme la première fois. Il me dit que l’obligation seroit trop grande pour oser s’en flatter sitôt, après avoir été reçu par le duc de Beauvilliers, mais qu’il me laissoit faire, et que les preuves d’amitié qu’il recevoit de moi si importantes coup sur coup lui donnoient la confiance d’en tout espérer. Je sondai le terrain, je sentis que le duc de Noailles avoit été goûté ; j’en profitai. Je fis sentir au duc de Beauvilliers tout ce qu’un service prompt et qu’on n’ose demander ajoute à la grandeur du service ; cette considération entra, elle fit effet. Incontinent après, c’est-à-dire au bout de sept ou huit jours, les manières silencieuses et sèches du Dauphin changèrent peu à peu pour le duc de Noailles, qui dans son transport me le vint dire avec tous les remercîments pour moi, et les expressions pour le duc de Beauvilliers