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et de Mme la duchesse d’Orléans. Sa situation avec le Dauphin et la Dauphine le tenoit à la gorge, et il n’étoit pas en une meilleure avec le duc de Beauvilliers, par qui seul néanmoins, car il ne voyoit pas d’autre route, il pût rapprocher le Dauphin et par lui la Dauphine, et se frayer après, par ses sœurs à qui cela rouvriroit la bouche, une protection par la Dauphine, pour fondre peu à peu les glaces de Mme de Maintenon pour lui. C’est au moins ce que je pus comprendre de ses propos couverts, coupés, entortillés, qui suivirent la confidence qu’il me fit des mauvais offices qu’on lui avoit rendus en Espagne, où, pour perdre Aguilar, on l’avoit perdu ici sans qu’il l’eût mérité, ni qu’il sût même ce qu’il s’étoit passé d’Aguilar au roi d’Espagne, parce que ce dernier avoit été si promptement chassé qu’il étoit parti pour sa commanderie sans qu’il eût pu le voir, ni personne non plus que lui. Il ne convint jamais du dessein de donner une maîtresse, au moins pour lui, ni qu’il en eût jamais ouï parler à son ami Aguilar ; et toujours sur les plaintes de ce que lui coûtoit cette amitié par la jalousie du mérite des emplois et de la faveur d’un seigneur de la cour d’Espagne qu’on avoit cru perdre plus sûrement en ne les séparant pas, et dont le malheur retomboit à plomb sur lui dans la nôtre, sans qu’on eût voulu l’écouter en celle d’Espagne, dont il portoit très-innocemment toute la colère ici.

Je vis un homme fâché lorsque je lui appris que son aventure ne m’étoit plus nouvelle ; que j’avois cru de ma discrétion de ne lui pas montrer que j’en étois instruit ; et que je n’en étois pas moins touché de sa confidence. Je pris pour bon tout ce qu’il m’ajusta sur le projet de donner une maîtresse au roi d’Espagne et de ses suites sur lesquelles il s’étendit fort, et sur la folie, établi comme il l’étoit ici, de ce qu’il auroit pu espérer en Espagne. Tous vilains cas sont reniables. Il ne me persuada point contre ce que je savois, et dont la colère de l’intérieur, et surtout de sa tante, faisoit