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notre amitié dans la suite, et qui de là devinrent la base de la confiance que peu à peu je pris en lui, il ne les amena qu’après leur avoir aplani les voies par d’autres choses, et bientôt après il sut bien s’en servir pour ce qu’il se proposoit, et pour augmenter en même temps ma confiance par ses confidences.

La première, et qui ne tarda pas, fut celle de l’état où il se trouvoit avec M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans. Il ne m’apprenoit rien, et il pouvoit bien le juger ainsi. Je ne le lui cachai pas. Il m’avoua que cela l’embarrassoit, se plaignit d’eux, se disculpa à moi sur l’un et sur l’autre, ne me dissimula point qu’il me seroit obligé de les sonder et de le remettre bien avec eux, moins parce qu’il y avoit à gagner avec des gens qui ne pouvoient quoi que ce soit, que pour n’être pas brouillé après une amitié liée, et pour une aventure où il avoit aussi peu de part qu’étoit celle de Renaut, mais dont l’obscurité étoit aussi désagréable. J’entrai dans ses raisons, et je lui promis de parler à M. [le duc] et à Mme la duchesse d’Orléans, d’autant plus volontiers qu’ignorant encore la triste situation du duc de Noailles pour le fond, quoique j’en aperçusse déjà l’écorce, je ne doutois pas qu’il ne se relevât promptement par le secours de sa tante, et que je trouvois qu’en ce raccommodement il y avoit plus à gagner pour M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans que pour lui qui, dans un intérieur de privance tel que je le croyois avec sa tante, pouvoit si aisément leur devenir utile, quand ce ne seroit qu’en avertissant et en découvrant. Je le représentai ainsi à l’un et à l’autre. Mme la duchesse d’Orléans y entra assez ; M. le duc d’Orléans, qui n’étoit jamais bien revenu de son affaire d’Espagne, et qui l’avoit fort sur le cœur, se montra plus difficile. Ce siège dura quelques jours, à la fin j’en vins à bout. Je le dis au duc de Noailles. Il me remercia fort, puis me proposa un autre embarras du côté de sa tante si elle le voyoit relié avec M. le duc d’Orléans, et les mesures infinies qu’il avoit à garder avec une