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depuis marié à une fille du duc d’Harcourt, et leur tabouret est encore à venir ; mais il viendra tôt ou tard, dans un pays de confusion, et où, comme que ce soit, il n’y a qu’à prétendre, être audacieux, impudent, et ne quitter point prise. Puisque j’en ai tant dit sur la maison de Croï, voyons la branche d’Havré qui vient d’achever de s’établir en France.

Philippe-François de Croï, qui a fait la branche des ducs d’Havré, fut fils unique du troisième mariage du premier comte de Solre avec la veuve de Louis de Mailly, seigneur de Rumesnil, fille aînée et héritière de Jacques II de Coucy, seigneur de Vervins. Il épousa Marie-Claire de Croï, unique héritière de la branche des marquis d’Havré qui étoit veuve de son frère, que Philippe IV, comme on l’a dit, fit duc d’Havré en 1627, et qui ne laissa que trois filles mariées, et un fils unique qui se fit carme, et mourut nommé à l’évêché de Gand. Philippe-François de Croï devint donc duc d’Havré par ce mariage, et fut chef de la branche des ducs d’Havré. Il fut fait grand d’Espagne, chevalier de la Toison d’or, gouverneur du duché de Luxembourg et comté de Chiny, et chef des finances des Pays-Bas. Il mourut à Bruxelles en 1650. Il ne laissa qu’un fils qui eut la Toison, et fut fait prince et maréchal de l’empire je ne sais par où, et mourut à Bruxelles en 1694. Il avoit épousé en 1668 la fille et héritière d’Alexis d’Halluyn, seigneur de Wailly près d’Amiens, et de plusieurs autres terres. Elle a vécu fort vieille, et est demeurée seule et la dernière de la maison d’Halluyn. Je l’ai vue plusieurs fois à Paris venir voir ma mère. Elle n’alloit point à la cour parce qu’elle n’avoit point de rang ; les princes de l’empire n’en ont aucun en France, et les grands d’Espagne n’y en avoient point encore. Elle n’eut que deux fils qui vécurent, et des filles. L’aîné des fils s’avança au service de Philippe V ; il fut lieutenant général et colonel du régiment des gardes wallones, à la tête duquel il fut tué en héros à la bataille de Saragosse que les