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C’est celui dont on a parlé par avance, qui épousa la Villain-Isenghien, dont il a eu le comte de Solre qui épousa la Bournonville, prit le service de France, fut chevalier du Saint-Esprit en 1688, le cinquante-neuvième de la promotion, c’est-à-dire après vingt-sept gentilshommes, et en ayant onze après lui. Il est mort à Paris en 1718, lieutenant général et gouverneur de Roye, Péronne et Montdidier, à soixante-dix-sept ans. C’est lui dont la femme vint prendre congé à Fontainebleau avec leur fille pour la mener épouser le prince de Robecque en Espagne, comme on l’a vu d’abord, à l’occasion de quoi cette digression a été faite. Mlle de Solre étoit cousine germaine du prince de Robecque, dont la mère étoit sœur du comte de Solre. Outre cette fille il eut deux fils : l’aîné porta le nom de comte de Croï ; le cadet de comte de Beaufort, qui succéda au régiment du chevalier de Solre son frère, tué à la bataille de Malplaquet, et qui, lassé longtemps après de n’avancer pas assez dans le service de France, est passé en Espagne. Or voici pourquoi la digression.

Le comte de Croï, fils aîné du comte de Solre, chevalier du Saint-Esprit, étoit un homme fort singulier. Il voulut profiter de la simplicité et du peu d’esprit de son père pour devenir le maître dans la famille. Sa mère, qui étoit une femme d’esprit, et volontiers d’intrigue, ne s’accommoda pas de ce projet ; ils luttèrent longtemps l’un contre l’autre, jusqu’à ce que le fils sut si bien gagner et gouverner son père qu’il le brouilla avec sa mère. Les éclats domestiques percèrent, les parents et les amis s’en mêlèrent et y échouèrent. La comtesse de Solre maltraitée au dernier point voulut se séparer ; la conjoncture du mariage de sa fille se présenta. Elle n’étoit plus jeune, avoit toujours été laide, elle avoit perdu l’espérance de s’établir. Sa mère l’avoit toujours aimée avec passion ; et réciproquement. Elle saisit une occasion si naturelle de séparation sans éclat, et mena sa fille en Espagne, dans la résolution, qu’elle a tenue, d’y