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sa nourriture, et elle a vécu plusieurs années chez cette demoiselle à ses dépens, et y est morte sans que le roi, ni ses bâtards, ni les riches héritiers des deux ducs d’Angoulême, aient pu l’ignorer, et sans qu’ils en aient eu la moindre honte.

Un autre personnage singulier mourut en ce même temps à Paris, dans le séminaire des Missions-Étrangères. Il étoit troisième fils du célèbre Lyonne, ministre et secrétaire d’État, et il étoit né à Rome en 1655, pendant l’ambassade de son père vers les princes d’Italie. Il n’avoit que seize ans quand il le perdit. Son frère, qui avoit la survivance du père, n’en put soutenir seul le poids. Il culbuta presque aussitôt, et cette famille tomba en désarroi malgré l’alliance du duc d’Estrées qui ne put la soutenir. La dévotion et le désastre firent prendre à l’abbé de Lyonne le parti des missions d’Orient. Il fut sacré évêque in partibus de Rosalie. Il travailla plus de vingt ans avec un grand zèle dans ces pays éloignés, et il acquit une grande connoissance des lettres et des sciences chinoises. Il revint en France avec les ambassadeurs de Siam en 1686, et s’en retourna avec eux l’année suivante. De Siam il passa à la Chine, où il se brouilla fort avec les jésuites sur les cérémonies chinoises, ainsi que tous les autres missionnaires. Ces affaires-là le firent revenir à Rome en 1703, pour y soutenir la cause contre les jésuites. Il y demeura plusieurs années. Il revint de Rome à Paris, dans le séminaire des Missions-Étrangères, y travailler avec eux pour la même affaire, et il y mourut dans une vie fort retirée et fort appliquée, sans avoir quitté le dessein de retourner aux missions, qui lui avoit toujours fait conserver sa grande barbe.

L’abbé Regnier, secrétaire perpétuel de l’Académie française, mourut aussi à plus de quatre-vingts ans. Il avoit un talent particulier pour les langues et la poésie, et il avoit fait quantité de vers françois, latins, espagnols et italiens. Il avoit passé presque toute sa vie dans l’hôtel de Créqui,