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vouloit le double mariage, qu’il le vouloit présentement, et qu’il les feroit tous deux malgré elle, si elle ne se rendoit pas à sa volonté, à la raison et à tous les ménagements qu’il vouloit bien avoir pour elle. Elle sortit en furie du cabinet du roi, et s’en alla tout de suite à Paris, où elle se retrancha sur les difficultés, et où Mlle de Conti passa cruellement son temps jusqu’à son mariage.

M. le prince de Conti n’eut aucun tort dans le cours de cette affaire. Il étoit élevé dans la haine des Condé ; il fut fâché de la rupture de son mariage avec une fille de M. le duc d’Orléans, et fâché aussi d’épouser celle de Mme la Duchesse, que cet établissement ne consola pas d’avoir, comme on l’a vu, manqué M. le duc de Berry, après tant de soins, de menées et de cabales, quoique la mère et la fille ne fussent pas insensibles au dépit de M. [le duc] et de Mme la duchesse d’Orléans, et à celui de Mme la duchesse de Berry, de se voir enlever avec hauteur pour elles le parti dont ils se tenoient assurés.

Mme la Princesse, ravie d’un si prompt et si entier succès, se tint à Versailles à tout événement, et vit le roi plusieurs fois tête à tête, pour rompre les difficultés dont Mme sa fille se hérissoit, et pour presser la conclusion. Le roi lui envoya plusieurs fois Pontchartrain, qui par son ordre employa à la fin les menaces. Elles eurent leur effet, et on envoya à Rome pour les dispenses, tandis qu’on se mit à travailler aux contrats de mariage. La négociation fut fort courte. Le roi voulut que ces mariages fussent faits et consommés avant que M. le Duc et M. le prince de Conti partissent pour l’armée d’Allemagne. Il en coûta cinq cent mille livres au roi, qui donne toujours cent cinquante mille livres à chaque prince du sang qui se marie, et à chaque princesse du sang qui se marie cent mille livres.

Enfin les deux fiançailles se firent le samedi 8 juillet, sur le soir, dans le cabinet du roi, par le cardinal de Rohan, revenu exprès de Strasbourg, où il ne faisoit que d’arriver.