Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/418

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mes réflexions n’arrêtèrent ni M. [le duc] ni Mme la duchesse d’Orléans, à qui ces princesses commençoient à peser, et qui étoient suivies de trois autres. Mme la duchesse de Berry parla à Saint-Cloud à Mlle de Conti, qui parut ravie de la proposition et de ce qu’on s’adressoit à elle. Elle en rendit compte à Mme sa mère, qui goûta fort la chose. Mlle de Conti, qui avoit promis un secret sans réserve, en fit confidence à Mme la Princesse. Elle avoit vingt-cinq ans. Elle se lassoit cruellement d’être tenue comme une petite fille dans l’ennui et les humeurs de l’hôtel de Conti, et elle n’y voyoit par son âge d’autre débouché que d’épouser M. le Duc, à quoi l’aigreur extrême du procès de la succession de M. le Prince ne disposoit pas Mme la Duchesse ni Mme la princesse de Conti. Elle avoit beaucoup d’esprit et de douceur, d’agrément et d’insinuation dans l’esprit. Elle avoit un beau visage ; mais sa taille, quoique assez grande, n’y répondoit pas.

De cette confidence, il résulta que Mme la Princesse, qui avoit jusqu’alors fait des efforts inutiles pour porter ses enfants à s’accommoder sur la succession de M. le Prince et à se raccommoder ensemble, ouvrit tout à coup les yeux à un moyen fort naturel auquel elle n’avoit point pensé jusque-là, qui fut un double mariage entre ses petits-enfants. De les y porter par elle-même, elle n’en pouvoit attendre aucun succès ; mais pensa que le roi, qui avoit tâché aussi de les empêcher de plaider et de les raccommoder, et qui s’en étoit bien voulu entremettre plus d’une fois, pourroit être susceptible d’un expédient si convenable en lui-même, et qui partoit naturellement à éteindre les aigreurs et à engager un accommodement sur le testament de M. le Prince, et que le roi seroit d’autant plus porté à leur imposer pour faire faire le double mariage, qu’il seroit sûrement blessé d’apprendre, par une voie étrangère, qu’il y avoit des pourparlers très-avancés d’un mariage de M. le prince de Conti avec une fille de M. le duc d’Orléans.