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commission personnelle, qui ne leur permit plus d’agir que par celle de leur commission.

Personnes de plus haut parage sans comparaison que le duc d’Estrées et le comte d’Harcourt avoient bien eu des maréchaux de France pour commissaires du roi, et en chose où une satisfaction ne se pouvoit éviter plus ou moins grande. On voit par les Mémoires de Mademoiselle ce qui lui arriva avec Madame, qui étoit sa belle-mère, et qui partageoit avec elle le palais de Luxembourg, où elles logeoient ensemble, et se haïssaient parfaitement. La querelle fut poussée au point que Mademoiselle arracha le bâton des mains d’un officier des gardes de Madame, le cassa contre son genou à deux mains, et lui en jeta les morceaux au visage, devant un grand monde, à la vue et dans l’appartement de Madame, et avec des paroles d’un grand mépris pour Madame. Il étoit tout naturel que le roi lui-même réglât une affaire si éclatante et si grave entre sa cousine germaine et la veuve du frère du roi son père, d’autant plus qu’il n’y avoit personne en autorité de s’en mêler, ni qui de plus osât le prétendre. Je n’ai point su ce qui en empêcha le roi, si ce n’est d’éviter les importunités qu’il auroit eues de ces princesses ; mais il les renvoya au vieux maréchal d’Estrées, père du cardinal, qu’il nomma son commissaire pour juger et accommoder cette affaire, et Mademoiselle raconte elle-même dans ses Mémoires tout ce qu’il s’y passa, les peines que cela lui donna, et la satisfaction que le maréchal d’Estrées ordonna, et que Mademoiselle fit à Madame, telle que le maréchal la prescrivit, à son grand dépit, et dont Madame, aussi au sien, fut obligée de se contenter, qui la prétendoit plus grande, avec défenses à l’une et à l’autre, et à leurs officiers, etc. On ne pensera pas sans doute que les maréchaux de France aient ni prétendent avec autorité et juridiction sur les fils et filles de France, parce [que] ce que le roi devoit et pouvoit naturellement décider lui-même entre elles, il le renvoya à juger à un