Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/402

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y répondre un mot, parce que lui-même savoit bien qu’en penser.

Les pays étrangers ne furent pas si sobres que les François sur ces rois en si grand nombre prétendus bâtards, et cette bâtardise si capable du trône ; mais on eut grand soin de ne pas laisser infecter la France de ces fâcheuses vérités. Il n’y avoit que seize mois qu’on avoit perdu le Dauphin, la Dauphine et le prince leur fils aîné ; il faut du temps pour écrire une pareille Histoire de France.

J’eus le plaisir de revoir mon ami le cardinal Gualterio. Nous nous écrivions toutes les semaines et fort ordinairement en chiffre, pour nous entretenir plus librement, et ce commerce a duré régulièrement jusqu’à sa mort. Étant nonce, il avoit reçu la nouvelle de sa promotion à Paris, et sa calotte, puis son bonnet des mains du roi. Il avoit extrêmement réussi. Le roi l’aimoit et le considéroit ; les ministres y avoient pris confiance. Il s’étoit fait beaucoup d’amis.

Il avoit eu la complaisance de visiter, en partant, M. du Maine et le comte de Toulouse avec le même cérémonial que les princes du sang, mais ce qui lui fit auprès du roi le plus sensible mérite le perdit à Rome. Il y fut mal reçu du pape, de ses ministres, du sacré collége, y fut longtemps fort retiré par être abandonné, et en proie à la plus fâcheuse disgrâce.

C’est aussi le dernier nonce qui ait reçu en France l’avis de sa promotion. Ils ont eu si peur à Rome d’une récidive, car les bâtards n’avoient jamais reçu cet honneur avant Gualterio, que toutes les fois que les nonces de France ont été promus depuis, ils ont eu ordre de prendre congé et de partir, de façon qu’aucun d’eux n’en a reçu la nouvelle et la calotte qu’à l’entrée de l’Italie Jamais ils ne l’ont bien pardonné à Gualterio à Rome, de manière que non-seulement ne se voyant plus papable, mais hors d’espérance de tout emploi, hors du plus commun