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plus haut point de ses désirs. Tout ce qu’il vouloit étoit de mettre un tel trouble et une telle division dans cette affaire, qu’on fût obligé de la porter à Rome contre toutes les lois de l’Église, tout usage et toute raison, qui veulent que les contestations soient nettement jugées, et juridiquement, dans les lieux où elles naissent, sauf l’appel au pape qui, par ses légats envoyés sur les lieux, revoit et réforme le premier jugement, ou le confirme d’une manière aussi juridique. Or cette forme juridique ne peut être autre qu’un concile, où l’auteur d’un livre qui excite la contestation soit appelé et pleinement entendu, pour rendre raison lui-même de sa foi, et des termes et du sens des propositions qui sont examinées, comme le P. Quesnel vivant lors ne cessoit de le demander de vive voix, et de le requérir expressément par écrit, au pape et aux évêques, ou quand l’auteur est mort, d’entendre en sa place ceux qui en veulent prendre la défense. Ce n’étoit pas là le jeu du P. Tellier. Il ne savoit que trop penser du succès de cette affaire traitée de la sorte. Il la vouloit étrangler par autorité, et s’en faire après une matière de persécution à longues années, pour établir en dogme de foi leur école, à grand’peine jusqu’alors tolérée dans l’Église.

Son dessein, en faisant renvoyer l’affaire au pape, fut donc de le faire prononcer par une constitution qui, en condamnant un grand nombre de propositions tirées de ce livre, les condamnât d’une façon atroce, mît par leurs contraires l’école de Molina en honneur, et en dogme implicite, en ruinant toutes les écoles catholiques uniquement écoutées et suivies dans l’Église, et comme cela ne se pouvoit espérer en termes clairs, qui auroient porté leur propre anathème sur le front, il voulut une condamnation in globo qui, en n’épargnant rien et tombant sur tout, se pût sauver par un vague qui se pouvoit appliquer ou détourner suivant le besoin, et par là même hasarder de condamner dans ce livre des propositions purement extraites de saint Paul et