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Ce fut en ce temps-ci que Mme la princesse de Conti, fille du roi, acheta à vie l’hôtel de Lorges du duc de Lorges, qui vendoit tout d’un côté, et bâtissoit et dépensoit tant qu’il pouvoit de l’autre. Cette acquisition, à la suite de celle du comte de Toulouse et de d’Antin, augmenta la surprise. Le roi en auroit été si choqué dans d’autres temps qu’ils n’auroient osé le hasarder ; mais il commençoit à être si dégoûté de tout, par les malheurs de sa famille, qu’il ne prenoit presque plus de part à rien que celle qu’on l’engageoit à prendre. Ces précautions d’établissements à Paris de gens qui ne pouvoient découcher de la cour, excepté d’Antin, et encore celui-là avec mesure, permission et prétexte, donnèrent fort à penser sur la santé du roi, de la décadence de laquelle on ne s’apercevoit pourtant pas encore au dehors de son plus secret intérieur. Quelque temps après Mme la princesse de Conti acheva d’acquérir cette maison en propriété.

L’ombre de Mme de Maintenon qui couvroit et avoit été si utile à d’Aubigny, son prétendu cousin, et à l’archevêque de Rouen, son oncle, fit son mariage avec Mlle de Villandry, riche héritière, et dans son voisinage.

L’opiniâtreté de l’empereur, qui retint l’empire dans ses intérêts, fit porter toutes nos forces sur le Rhin et sur la Moselle. Villars fut destiné à la Moselle, et Harcourt pour le Rhin. Bientôt après Villars s’excusa sur sa blessure, et voulut aller à Baréges ; Besons lui fut substitué, et le 12 et le 15 mai furent fixés pour le départ des généraux en chef des deux armées ; mais une nouvelle attaque d’apoplexie mit le maréchal d’Harcourt hors d’état de servir, et il abdiqua de lui-même. Cela changea le voyage de Baréges ; le maréchal de Villars accepta l’armée du Rhin. Le roi lui donna cent mille francs pour refaire son équipage dont il s’étoit défait, comptant ne point servir. Il partit aussitôt après, Besons aussi.

On apprit que Steinbok n’avoit pu se soutenir davantage au milieu de tant d’ennemis, dans des pays contraires, éloignés de la