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M. et Mme du Maine, qui songeoient fort dès lors à se rendre populaires, vinrent de Sceaux chez le duc de Rohan voir passer la cérémonie, dans la place Royale, s’y montrer sur [un] balcon, et y jeter de l’argent au peuple ; libéralité qui n’auroit pas réussi auprès du roi à d’autres. Il y eut, le soir, beaucoup de feux devant les maisons, et plusieurs furent illuminées. Le 25 mai, on chanta le Te Deum à Notre-Dame avec l’assistance ordinaire ; le soir, grand feu d’artifice à la Grève, qui fut suivi d’un superbe festin que le duc de Tresmes, gouverneur de Paris, donna à ses dépens à l’hôtel de ville aux ambassadeurs, et à grand nombre de personnes distinguées de la cour et de la ville, des deux sexes, et les vingt-quatre violons pendant le repas.

Ce temps sembla celui des grâces ; on ne le négligea pas. Je me suis trompé sur la mort du duc Mazarin. Son extrémité à son âge l’avoit fait croire ; il n’est mort que vers la fin de cette année-ci. Ainsi, après cette correction, je n’en parlerai plus. Il avoit donné le bailliage d’Haguenau de vingt mille livres de rente à son fils en mariage. Le peu de cas qu’on étoit accoutumé depuis longues années à faire de lui, et l’extrême mépris où la vie honteuse, scandaleuse, obscure de son fils l’avoit fait tomber, avisèrent Voisin de demander au roi ce bailliage pour Châtillon son gendre, qui a fait depuis une si grande et si inespérée fortune. Voysin l’obtint pour que Châtillon en jouît après la mort du duc Mazarin, et qu’il passât après Châtillon à sa postérité masculine. Le duc de La Meilleraye eut beau crier, la partie n’étoit pas égale, mais le public fut étrangement indigné de l’audace et de l’avidité de ce ministre, qui donna le premier exemple de la violence d’enlever le bien par pure faveur à