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signer, mettant le bout du doigt sur le papier, puis fit signer le duc de Tallard au-dessus d’elle, dont il lui avoit fait laisser la place. Le maréchal de Tallard alla signer immédiatement ensuite, et aussitôt après lui le prince de Rohan. Ce détail, ils n’en parlèrent pas. Ils espérèrent apparemment que la nombreuse assistance ou l’oublieroit ou pourroit ne l’avoir pas remarqué, et débitèrent la galanterie du roi comme un avantage de princerie qu’il avoit décidé pour eux. Ils firent courir partout ce mensonge qui persuada les provinces et ceux qui sont ignorants de ces sortes de choses. Les autres se moquèrent d’eux, et les Tallard, contents de la réalité et d’en avoir la preuve par le contrat de mariage même, où l’ordre des signatures démentoit la fausse vanterie, et les articles aussi où le maréchal de Tallard avoit encore signé devant le prince de Rohan, et le registre encore du curé, ne firent semblant de rien. À minuit le mariage fut célébré par le cardinal de Rohan dans la chapelle, où le roi ni aucun prince ni princesse n’allèrent. Le curé de Versailles dit la messe. Il y avoit force conviés partagés à souper en quatre lieux différents, qui furent chez Mme de Ventadour où furent les mariés, chez le maréchal de Tallard, chez le prince de Rohan et chez le cardinal de Rohan. Le lendemain elle reçut, sur le lit de la duchesse de Ventadour, les visites de toute la cour et celles que les duchesses ont accoutumé de recevoir des personnes royales.

L’affaire des renonciations étoit mûre. La paix étoit arrêtée. Le roi étoit pressé de la voir signée par son plus instant intérêt ; et la cour d’Angleterre, à qui nous la devions toute, n’en avoit pas moins de consommer ce grand ouvrage, pour jouir, avec la gloire de l’avoir imposée à toutes les puissances, du repos domestique qu’agitoit sans cesse le parti qui lui étoit opposé, et qui, excité par les ennemis de la paix du dehors, ne pouvoit cesser de donner de l’inquiétude au ministère de la reine, tant que par le délai de la signature, les vaines espérances de la troubler et de