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Il s’agissoit d’une de ses petites-filles. Tallard s’accommodoit de tout, pourvu qu’il en pût obtenir une ; par cette voie et à ces conditions cela lui fut bientôt accordé. Le prince de Rohan vouloit marier ses filles pour l’honneur et le crédit de leur alliance, réserver tout à son fils, substituer tout à son défaut et de ses fils, aux Guéméné, leur marier une de ses filles convenable en âge, et de donner gros à celle-là aux dépens des deux autres. Les biens, la dignité, le gouvernement de Tallard, qu’ils espérèrent faire tomber à son fils, un fils unique, l’esprit accort du père qu’ils comptoient mettre dans leur dépendance, toujours actif, occupé et plein de vues dont ils espéroient bien profiter, tout cela leur plut et le mariage fut bientôt conclu, et le maréchal se démit de son duché en faveur de son fils.

Le roi, lassé de faire dans son cabinet des fiançailles d’autres que des princes du sang, qui s’étoient hasardés quelquefois à lui en faire sentir l’indécence, ne put en refuser une encore plus marquée à la petite-fille de celle qu’il avoit tant aimée, et pour l’amour de laquelle il avoit princisé les Rohan. Cet honneur des fiançailles dans le cabinet du roi, qui est une des distinctions que les princes étrangers ont emblée, ne s’accorde régulièrement que lorsque l’époux et l’épouse sont l’un et l’autre de ce rang. Le roi passa outre en faveur de la fille du fils de Mme de Soubise, quoiqu’elle ne fût plus, mais dont la constante faveur porta sans cesse sur sa famille. Ainsi le mardi 14 mars, les fiançailles se firent dans le cabinet du roi par l’évêque de Metz, premier aumônier, avec tout l’apparat possible, sur les six heures du soir ; le prince de Rohan prit pour soi, et pour sa fille, toutes les qualités de prince qu’il lui plut, que le maréchal de Tallard ne lui contesta pas dans le contrat de mariage, et il n’y eut point de difficulté pour la signature du roi, qui avoit déclaré depuis très-longtemps que sa signature aux contrats de mariage hors de sa famille, n’étoit que pour l’honneur, et qu’elle n’approuve, ne donne et ne confirme