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ni de se mêler en aucune sorte de quoi que ce pût être de civil ni de militaire dans toute l’étendue de mon petit gouvernement, qui étoit beaucoup moins que les gouverneurs de province n’en avoient eu sur les gouverneurs et les gouvernements de leur dépendance, laquelle toutefois je reconnoissois, mais en gros. Les choses s’étoient toujours passées ainsi entre M. le prince de Conti, M. d’Épernon, et tous les gouverneurs et commandants de Guyenne et mon père, et j’avois preuves écrites et par lettres de ces gouverneurs ou commandants de la province et par des décisions et des ordres du roi, de tout ce que je prétendois.

Montrevel, au contraire, n’en pouvoit fournir aucune, mais il comptoit que ses cris, la musique de son discours, dont la singulière harmonie suppléoit à son avis au sens commun qu’il n’avoit guère, son mérite, ses dignités militaires, l’usage de tous les autres gouverneurs ou commandants généraux des provinces, sa faveur, son importance, la considération de l’engagement où il s’étoit mis, lui feroit emporter le tout, sinon la plus grande partie de ses usurpations. La chose m’étoit encore plus importante qu’à tout autre gouverneur dépendant ; il n’y a que les princes du sang qui, sans être dans leurs gouvernements, y donnent leurs ordres sans lesquels il ne s’y fait rien, à qui ceux qui ont le commandement en leur absence rendent compte de tout, et qui y commandent absents comme présents. Mon père étoit dans ce même usage, le roi l’y avoit mis et maintenu dans le souvenir de l’important service qu’il lui avoit rendu par ce gouvernement pendant les troubles, dont j’ai parlé au commencement de ces Mémoires. Après lui je m’y étois maintenu contre diverses attaques, où le roi avoit imposé en ma faveur, et par des ordres écrits par le secrétaire d’État, tellement que j’avois toute la raison, le droit et l’intérêt de ne pas subir le joug audacieux et nouveau de ce vieux bellâtre. M. du Maine eut avec lui des conversations fréquentes, La Vrillière, secrétaire d’État de la province,