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Mme de Maintenon, et le roi par elle, lequel imposa enfin et obligea le père à consentir, après plusieurs années que ce mariage demeuroit accroché, et que tous deux étoient résolus à n’en jamais faire d’autre. Le duc d’Aumont étoit d’une force prodigieuse, d’une grande santé, débauché à l’avenant, d’un goût excellent, mais extrêmement cher en toutes sortes de choses, meubles, ornements, bijoux, équipages ; il jetoit à tout, et tira des monts d’or des contrôleurs généraux et de son cousin Barbezieux, avec qui, pour n’en pas tirer assez à son gré, il se brouilla outrageusement. Il prenoit à toutes mains et dépensoit de même. C’étoit un homme de beaucoup d’esprit, mais qui ne savoit rien, à paroles dorées, sans foi, sans âme, de peu de réputation à la guerre pour en parler sobrement, et à qui son ambassade ne réussit ni en Angleterre ni en France. Avant la mort de son père, logeant dans une maison de louage, il l’ajusta et la dora toute, boisa son écurie comme un beau cabinet, avec une corniche fort recherchée tout autour, qu’il garnit partout de pièces de porcelaine. On peut juger par là de ce qu’il dépensoit en toutes choses. Le roi donna deux cent cinquante mille livres à milord Powis, et au duc d’Aumont cent mille francs, et cinquante mille par an pendant quatre ans, tant en considération de son incendie que de la dépense de son ambassade.

On fit à Saint-Denis le bout de l’an du Dauphin et de la Dauphine, je n’oserois dire de la France. Tout ce qui a suivi une telle perte ne le prouve que trop évidemment. Il n’y eut que leurs maisons, les princes et princesses de la maison royale, du sang et légitimés, et M. de Metz qui officia, et cela ne dura guère plus d’une heure.

Le livre du jésuite Jouvency fit alors grand bruit. C’est une histoire latine de sa compagnie depuis son origine jusqu’à nos jours. II étoit à Rome, où il la composa. Je ne m’aviserai pas ici d’en faire l’extrait. Il suffit de dire qu’il voulut plaire à Rome et aux siens, et qu’il employa la plus belle