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de la Dauphine, fit cet abbé de Mailly archevêque d’Arles, puis de Reims, que nous verrons cardinal. Ses deux filles, l’une s’échappa et se maria malgré elle à l’aîné des Mailly ; l’autre, elle la fit religieuse, qui, de nécessité vertu, la devint bonne, et a été une excellente abbesse de Poissy, adorée et respectée au dernier point dans cette communauté si grande et si jalouse de l’élection qu’elle a perdue. On n’a pas vu que Dieu ait béni cette conduite dans tout ce qui est arrivé depuis de toute cette famille.

Le vieux Brissac mourut aussi à pareil âge, retiré chez lui depuis plusieurs années. Il étoit lieutenant général et gouverneur de Guise, et avoit été longtemps major des gardes du corps. C’étoit un très-petit gentilhomme qui avoit percé tous les grades des gardes du-corps, qui avoit plu au roi par son application, par ses détails, par son assiduité, par ne compter que le roi et ne ménager personne. Il en avoit tellement acquis la familiarité et la confiance sur ce qui regardoit les gardes du corps, que les capitaines des gardes, tout grands seigneurs et généraux d’armée qu’ils étoient, le ménageoient et avoient à compter avec lui, à plus forte raison tous les officiers des gardes. Il étoit rustre, brutal, d’ailleurs fort désagréable et gâté à l’excès par le roi, mais homme d’honneur et de vertu, de valeur et de probité, et estimé tel quoique haï de beaucoup de gens, et redouté de tout ce qui avoit affaire à lui, même de toute la cour et des plus importants, tant il étoit dangereux. Il n’y avoit que lui qui osât attaquer Fagon sur la médecine. Il lui donnoit des bourrades devant le roi qui mettoient Fagon en véritable furie, et qui faisoient rire le roi et les assistants de tout leur cœur. Fagon, aussi avec bien de l’esprit, mais avec fougue, lui en lâchoit de bonnes qui ne divertissoient pas moins, mais en tout temps Fagon ne le pouvoit voir ni en ouïr parler de sang-froid.

Un trait de ce major des gardes donnera un petit crayon de la cour. Il y avoit une prière publique tous les soirs dans