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L’irruption de l’électeur de Bavière dans le Tyrol le fit transférer en 1703 à Gratz en Styrie, où il mourut, la même année, de maladie. Sa sœur unique, veuve Ragotzi en 1681, et mère de notre Ragotzi, étoit ainsi devenue puissante héritière.

Le fameux Tékéli avoit eu envie de l’épouser lorsqu’elle étoit fille. Le comte Étienne, son père, étoit fort puissant en Hongrie, et y jouissoit de trois cent mille livres de rente. Les ministres de l’empereur furent accusés de l’avoir injustement enveloppé dans l’affaire du comte Serin, pour s’emparer de ses grands biens. Après l’exécution du comte Serin et des autres chefs, le général Sporck alla assiéger les places de Tékéli, qui, ne se trouvant pas en état de leur résister, l’amusa, et fit évader cependant son fils unique Émeric Tékéli, travesti en paysan, avec deux gentilshommes déguisés de même, qui le conduisirent heureusement en Pologne. Son père ne survécut guère. Ses biens furent confisqués. Il avoit trois filles qui furent menées à Vienne ; elles s’y firent catholiques ; l’empereur en prit soin. Deux épousèrent les princes François et Paul Esterhazy, ce dernier étoit palatin de Hongrie ; l’autre le baron Letho.

Émeric, leur frère, qui se rendit depuis si fameux, vint de Pologne, où il s’étoit retiré d’abord, en Transylvanie. Il s’y rendit si agréable au prince Abaffi, par son esprit et sa valeur, qu’il le mit à la tête de son conseil et de ses troupes, et l’envoya au secours des mécontents de Hongrie, dont il fut fait généralissime en 1778, quoiqu’il n’eût encore que vingt ans. Il se rendit si redoutable par ses conquêtes et ses progrès, que l’empereur le fit rechercher d’accommodement, dont on ne put convenir. Il le fut encore en 1680 pendant une trêve de deux mois. Il offrit de se faire catholique pour épouser la fille du comte Serin, veuve du prince Ragotzi, mère de celui qu’on vient de voir arriver à Paris. L’empereur n’y put consentir, dans la crainte de le rendre trop puissant par les grands biens de cette dame, et qu’elle ne