Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/300

Cette page n’a pas encore été corrigée

il alla tirer de grandes contributions du Holstein danois. Le roi de Suède reçut beaucoup d’argent en ce même temps de Constantinople, où il fit faire tous les changements dans le ministère que ce prince désira.

Ragotzi, échappé de son étroite prison de Neustadt à force d’argent et d’adresse, avoit gagné la Pologne, s’étoit enfin embarqué à Dantzick, et arriva à Rouen. Il avoit pris le titre de prince de Transylvanie, reconnu du pays, du Turc et de tous les mécontents hongrois, qui le vouloient faire roi de Hongrie, lorsque le prodigieux succès de la bataille d’Hochstedt changea toute la face des affaires. La France l’avoit aussi reconnu et stipendié. Des Alleurs avoit été longtemps auprès de lui, et à la fin y avoit pris caractère public d’envoyé du roi, d’où il étoit passé à l’ambassade de Constantinople. Ragotzi, qui n’avoit de ressource qu’en France, comprit bien que son titre y seroit embarrassant et l’excluroit de tout ; il prit donc le parti de l’incognito, ne voulut et ne prétendit rien, et prit le nom de comte de Saroz. M. de Luxembourg, qui étoit à Rouen, le reçut sans honneurs, mais avec les civilités les plus distinguées, le logea, le défraya et lui prêta sa maison à Paris, où il vint peu de jours après. En dernier lieu il venoit d’Angleterre, où il étoit peu resté. Ce chef si chéri des mécontents de Hongrie mérite bien une petite digression.

Son trisaïeul, Sigismond Ragotzi, fut élu prince de Transylvanie après la mort du fameux Botskay en 1606. C’étoit un homme sans ambition, tranquille et paisible, également bien avec le Grand Seigneur Achmet et l’empereur Matthias. Il ne se soucioit point de la principauté ; et dès l’an 1608 il la céda à Gabriel Bathori, que ses cruautés firent chasser par Bethlem Gabor, qui devint prince de Transylvanie.

Georges Ragotzi fut fait prince de l’empire, et fut élu prince de Transylvanie, en 1631, par la protection de la maison d’Autriche. Il épousa la fille d’Étienne, frère de Bethlem Gabor, prince de Transylvanie ; en secondes noces,