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qu’il le désarma. Tout tenoit au revenu, et à l’indépendance d’en toucher suffisamment. Le roi le sentit et n’ignoroit pas à qui il avoit affaire. Ses parents, ainsi sans ressource, se tournèrent d’un autre côté. Ils vouloient avant tout demeurer maîtres de leur bourse, et l’abbé de ses bénéfices pour n’être pas à leur discrétion. Pour accommoder l’un et l’autre, ils imaginèrent un bref du pape qui permît à l’abbé d’aller à la guerre en conservant ses bénéfices. Ils le lui proposèrent ; il n’osa pas y résister, parce que toute la difficulté sur laquelle il s’étoit tenu jusqu’alors étoit par là levée. De ces brefs, il y en avoit mille exemples, même parmi les simples particuliers. Forbin, capitaine des mousquetaires gris avant Maupertuis, en avoit un, et il étoit mort abbé et lieutenant général des armées du roi ; et plusieurs autres comme lui. Rome ne fit aucune difficulté. Le pauvre abbé de La Rochefoucauld prit donc l’épée. La guerre de Hongrie fit partir les enfants de M. du Maine et plusieurs autres. L’abbé y alla ; mais en arrivant à Bude, la petite vérole le prit en 1717, à trente ans, et en délivra son père, et son frère duc à ses dépens. Ce qui est arrivé depuis dans cette famille n’a pas donné lieu de croire que Dieu ait béni ces arrangements.




CHAPITRE XIII.


1713. — Victoire de Steinbok sur les Danois, qui brûle Altona. — La Porte secourt le roi de Suède d’argent, et change à son gré son ministère. — Ragotzi en France. — Digression sur sa manière d’y être ; son extraction, sa famille, sa fortune et de ses proches, de Serini et Tékéli ; son traitement ; son caractère. — Trente mille livres de pension à Mlle d’Armagnac. — Trois mille livres de pension rendues à Mlle de Chausseraye. — Trois mille livres de pension à Mme de Vaugué. — Girone délivré et ravitaillé. — Berwick de retour à la