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qui ne s’est point marié. Du père et de ses deux fils on en a souvent parlé.

Le duc de La Rocheguyon ne fut pas si discret que son père : il eut huit garçons et deux filles. Le second ne vécut que dix ans ; l’aîné et le troisième moururent en entrant dans le monde ; le quatrième fut chargé des abbayes de ses oncles et grands-oncles à mesure qu’elles vaquèrent ; le cinquième mourut aussi à dix ans ; le sixième fut jeté sur mer sous le nom de comte de Durtal. C’est lui qui fut du voyage des galions que ramena Ducasse, que ce général envoya porter au roi la nouvelle de leur arrivée, et qui est aujourd’hui cinquième duc de La Rochefoucauld. Le septième mourut encore à neuf ou dix ans. Le huitième et dernier fut chevalier de Malte, et eut, tout enfant, la commanderie magistrale de Pézénas à la recommandation du roi. L’aînée des deux filles mourut fille de Sainte-Marie ; la cadette tint bon jusqu’à vingt-cinq ans, et fut enfin mariée, en 1725, au duc d’Uzès d’aujourd’hui, qui voulut bien se contenter de peu de chose. Ce tableau expliqué, voici ce qui arriva.

M. de La Rocheguyon ne se trouva plus que trois fils. L’aîné avoit vingt-cinq ans alors et plus de soixante mille livres de rente en bénéfices, le comte de Durtal, et le commandeur. Cela se trouvoit fort mal arrangé. Pour bien faire il eût fallu que Durtal eût été l’aîné, c’est ce que voulurent les père et mère. L’abbé n’avoit jamais voulu ouïr d’entrer dans les ordres. Tant qu’il avoit eu des aînés ç’avoit été son affaire, mais l’étant devenu, cela devint l’affaire de ses parents. Ils le pressèrent de s’engager, ils lui détachèrent dévots, docteurs, prélats ; on ne put le déprendre de l’expectative sûre des dignités et des biens qui alors le regardoient uniquement. Il en vouloit jouir quand ils viendroient à lui échoir. Il n’avoit eu de vocation à l’état qu’on lui avoit fait embrasser que celle des cadets de cette maison.

Outre le désir d’accumuler toujours tout sur la même tête, une autre raison puissante y tenoit MM. de La Rochefoucauld