Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/286

Cette page n’a pas encore été corrigée

avoit fait amitié avec l’avocat Bouthillier, et logeoit chez lui quand il alloit à Paris. Il y vit souvent M. de Luçon, qui fit habitude avec lui, et à qui il plut tant qu’il le fit connoître à Léonora, ce qui fut le fondement de l’amitié et de la confiance que Marie de Médicis prit en lui, et qui le conduisit à une si haute fortune. Il étoit aussi bon parent et ami qu’ennemi sans mesure et sans bornes. Il n’oublia pas la mémoire de son grand-père maternel, l’avocat La Porte, et il trouva dans son oncle maternel et dans son cousin germain La Porte un mérite qu’il put élever. L’oncle devint commandeur de Braque, bailli de la Morée, ambassadeur de sa religion en France, grand prieur de France, gouverneur d’Angers et du Havre de Grâce, lieutenant général au gouvernement d’Aunis et des îles de Ré et d’Oléron, et un des hommes d’alors avec lequel il fallut le plus compter pour les grâces, et souvent pour les affaires. Il avoit de la capacité, mais trop de hauteur dans ses manières. Il mourut à la fin de 1644 ; ainsi il jouit de toute la fortune de son neveu.

Son autre neveu La Porte, qui s’appeloit le marquis de La Meilleraye, fut un homme de grand sens dans le cabinet, de grande valeur et de grande capacité à la guerre, tellement que lui et le commandeur furent fort utiles au cardinal de Richelieu. La Meilleraye étoit homme d’honneur et de vertu, doux, affable, poli, obligeant, à ce que j’ai ouï dire à mon père, dont il étoit ami particulier, et n’avoit pas la rudesse et la hauteur de son oncle. Il eut le gouvernement de Bretagne, Nantes, Port-Louis, et fut chevalier de l’ordre en 1633, fit la charge de grand maître de l’artillerie par commission après le maréchal d’Effiat son beau-père, l’eut après en titre, lorsqu’en 1634 le célèbre duc de Sully, après la mort de son fils, consentit enfin a en donner la démission pour un bâton de maréchal de France, et M. de La Meilleraye reçut de la main même de Louis XIII le bâton de maréchal de France sur la brèche de Hesdin qu’il venoit de