Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/272

Cette page n’a pas encore été corrigée

reçut la plus parfaite éducation des plus grands maîtres en ce genre, qui lui donnèrent toute leur affection et tous leurs rares talents.

Le duc de Luynes, son père, n’avoit ni moins d’esprit ni moins de facilité et de justesse à parler et à écrire, ni moins d’application et de savoir. Il s’étoit lié par le voisinage de Dampierre avec les solitaires de Port-Royal des Champs, et après la mort de sa première femme, mère du duc de Chevreuse, s’y étoit retiré avec eux ; il avoit pris part à leur pénitence et à quelques-uns de leurs ouvrages, et il les pria de prendre soin de l’instruction de son fils, qui, né le 7 octobre 1646, n’avoit que sept ans à la mort de sa mère, qui fut enterrée à Port-Royal des Champs. Ces messieurs y mirent tous leurs soins par attachement pour le père, et par celui que leur donna pour leur élève le fonds de douceur, de sagesse et de talents qu’ils y trouvèrent à cultiver. La retraite du duc de Luynes à Port-Royal des Champs dura plusieurs années. Sa mère, si fameuse dans toutes les grandes cabales et les partis de son temps, sous le nom de son second mari le duc de Chevreuse, mort sans postérité en 1657, elle en 1679, suivant le siècle par son âge, étoit très-peinée de voir son fils comme enterré. M. de Chevreuse, dernier fils du duc de Guise, tué aux derniers états de Blois en 1588, avoit toujours vécu avec elle dans la plus grande union, et comme elle avoit toujours passionnément aimé le duc de Luynes, qui logea toujours avec eux, M. de Chevreuse l’aima de même, et leur fit à tous deux tous les avantages qu’il put. Il donna même au duc de Luynes sa charge de grand fauconnier, et son gouvernement d’Auvergne que M. de Luynes ne garda pas longtemps. Sa famille ne souffroit guère moins que Mme de Chevreuse d’une retraite qui rendoit ses talents inutiles pour le monde. Ils s’adressèrent à mon père qui étoit son ami intime. Il fut plus heureux qu’eux dans ses remontrances : M. de Luynes sortit de Port-Royal, mais il en conserva l’affection et la