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Mortes dont il étoit gouverneur, avec défense d’en sortir et d’y voir personne, et ordre de se défaire de sa charge de capitaine des Cent-Suisses de la garde. C’est le même qui se battit avec mon père. Il étoit chevalier de l’ordre, de la promotion de 1661, et si gâté de la fortune, que j’ai ouï dire aux contemporains qu’il regarda pour la première fois son cordon bleu avec quelque complaisance en chemin de son exil. On espère toujours. Tardes se flatta du pardon après un châtiment de quelques années, et il s’obstina à garder sa charge pour ne se pas trouver dépouillé à son retour. À la fin on lui fit si bien entendre que son espèce de prison ne finiroit que par sa démission, qu’il se résolut à ce calice. M. de Louvois, ennemi terrible et implacable, mais également bon ami et bon parent, fut bientôt averti ; il fit parler à Vardes par Tilladet, son cousin germain, qu’il avoit déjà fait maître de la garde-robe, et Vardes, dans la nécessité de vendre, crut se faire un protecteur de Louvois. Mme de Soubise, instruite de la première main, saisit la charge de maître de la garde-robe que Tilladet alloit vendre pour se défaire de La Salle, et s’en délivrer par une fortune si fort au-dessus de lui. Vouloir et pouvoir fut pour elle la même chose. Ainsi La Salle quitta les gens d’armes et le service militaire pour celui de la cour et de la personne du roi, en 1678. Ce service étoit d’une assiduité extrême : lever, coucher, changement d’habits pour la chasse ou la promenade tous les jours, en y allant et au retour, et cela de deux années l’une tout de suite, avec un prince qui vouloit une entière régularité. Celle de La Salle la fut, et plut fort au roi, mais elle devint continuelle pendant bien des années que Lyonne, fils du secrétaire d’État, fut son camarade, qui ne mettoit jamais le pied à la cour, et que les services importants de feu son père, et la considération des Estrées, dont le duc neveu du cardinal avoit épousé sa sœur, faisoit passer au roi, jusqu’à ce qu’enfin il vendit à Souvré, fils de feu M. de Louvois.