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grandesse et à la clef de gentilhomme de la chambre. Ils n’ont point eu d’enfants. Elle venoit de mourir lorsque j’arrivai en Espagne, où je le vis sans meubles, avec un châlit et un capucin, qui en vouloit prendre l’habit. La douleur ne fut pas de durée ; il s’étoit déjà remarié, lorsque j’en partis, à une beauté fille du prince de Santo-Buono-Caraccioli, chose infiniment rare en Espagne.

La Salle, qu’on a vu avoir vendu pour la seconde fois sa charge de maître de la garde-robe, par un hasard unique, s’ennuya de son oisiveté. C’étoit un fort honnête homme, qui avoit du sens, et qui ne manquoit pas d’esprit, bien fait et de fort bonne mine, qui, pour le petit-fils d’un vendeur de sabots dans la forêt de Senonches, avoit fait une grande fortune, n’en étoit pas encore content, et se rendoit peu de justice. Un ancien bailli de la Ferté que j’y ai vu longtemps, et qui a survécu mon père de beaucoup d’années, nous en mit au fait pour l’extraction. J’étois à la Ferté avec ma mère lorsque mon père, mandé pour le chapitre, nous envoya la liste de la promotion de 1688. Ce bailli se trouva à la réception des lettres et à la lecture de la liste. Au nom de La Salle, il demanda qui il étoit, et, sur la réponse, se mit à rire et dit que cela ne se pouvoit pas, et enfin ajouta qu’étant jeune il avoit connu son grand-père qui vendoit des sabots en gros après en avoir fait dans sa jeunesse. Il nous dit qu’étant devenu à son aise sur ses vieux jours il avoit acquis une petite terre qui jamais n’a valu mille écus de rente, et sans aucune étendue dans la lisière de la forêt de Senonches qui s’appelle la Salle. J’y ai passé plusieurs fois ; ils y ont fait un petit castel de cartes, proportionné à la valeur de ce petit bien. Le fils du sabotier voulut aller à la guerre, il s’y distingua ; il parvint par son ancienneté à la tête des gens d’armes de la garde.

Caillebot avoit quitté ce nom et s’appeloit La Salle ; il vivoit dans un temps où on se battoit beaucoup ; il étoit fort