Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/260

Cette page n’a pas encore été corrigée

scélératesse de Nancré, qui s’enfuit à Paris aussitôt, et ne reparut de longtemps. Le roi néanmoins ne me fit semblant de rien ; et comme en effet je parvins à ramener les deux princes à se contenter de l’enregistrement fait en présence des pairs, cette friponnerie de Nancré et ce mauvais office de Torcy n’eurent aucune suite. Je le laissai tomber et ne crus pas devoir dire ni faire dire au roi quoi que ce soit là-dessus.

Quelque dépit et quelques obstacles que les alliés apportassent à la paix, les choses étoient tellement avancées avec l’Angleterre, que le duc d’Aumont fut nommé pour y aller en ambassade, sur ce que le duc d’Hamilton fut déclaré ambassadeur en France. M. d’Aumont étoit alors fort en liaison avec le duc de Noailles et moi, et j’aurai lieu d’en parler dans les suites. Il eut vingt-quatre mille écus d’appointements par an, vingt-quatre mille livres pour dédommagement de la perte du change, et cinquante-quatre mille livres pour ses équipages et pour trois mois d’avance. Il eut de plus cinq cent mille livres de brevet de retenue sur sa charge de premier gentilhomme de la chambre, et fut chevalier de l’ordre, seul et extraordinairement à une messe basse avant son départ. C’est le dernier que le roi ait fait.

Le duc d’Hamilton étoit un assez jeune seigneur, fort du parti de la reine et considéré. Il étoit Douglas. Anne Hamilton, fille aînée du dernier Jacques, marquis d’Hamilton, avoit épousé Guillaume Douglas, comte de Selkirk. Le marquis d’Hamilton fut fait duc et chevalier de la Jarretière par Charles I, et après diverses fortunes eut la tête coupée peu de jours après cet infortuné monarque. Charles II, son fils, après son rétablissement, fit duc d’Hamilton ce comte de Selkirk, gendre du dernier duc d’Hamilton, qui n’avoit point laissé de garçons ; et ce nouveau duc d’Hamilton eut avec la dignité presque tous les biens de son beau-père qui lui furent restitués, dont il prit le nom et les armes. C’est le grand-père ou le bisaïeul de celui dont il s’agit ici. Le parti