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que le gendre de Chamillart ; mais son père avoit servi, il étoit devenu officier général avec estime et gouverneur de [1]… Il avoit épousé en secondes noces une fille de La Bazinière, dont j’ai parlé ailleurs, et qui étoit sœur de la mère du premier président de Mesmes qui vivoit intimement avec eux. Nancré avoit beaucoup d’esprit. Il s’étoit lassé de l’emploi de lieutenant-colonel de je ne sais plus quel régiment, où il étoit parvenu par ancienneté. Il trouva cette porte pour en sortir. Il vivoit dans la liaison la plus étroite avec sa belle-mère, vieille beauté riche et fort du grand monde de Paris. Elle alla loger avec lui au Palais-Royal, et elle y tint le dé. Lui se fourra tant qu’il put dans le monde. Il avoit ce qu’il falloit pour en être goûté, et la probité ne l’arrêtoit sur rien. Il vouloit cheminer et être de quelque chose ; les moyens ne lui coûtoient pas. Il s’étoit fourré chez M. de Torcy. Il y chercha commission de parler à M. le duc d’Orléans sur les renonciations. Chagrin de n’en pas avoir l’honneur auprès de Torcy, il alla lui dire que c’étoit moi qui, entêté de pairie, lui tournois la tête sur les formes, et arrêtois la paix.

Torcy, avec qui je n’avois pas la plus légère habitude, et qui étoit ami de beaucoup de gens avec qui je ne frayois pas, alla rendre au roi ce que Nancré lui avoit rapporté. Le roi en colère en parla à M. le duc de Berry, et lui cita ses auteurs. J’en fus incontinent averti par M. le duc de Berry même. Cela m’engagea à le prier de trouver bon que je ne le visse plus du tout pour ôter au roi tout prétexte, et que notre commerce se continuât par Mme de Saint-Simon et M. le duc d’Orléans, par qui il avoit toujours passé, en sorte même que je n’avois vu que peu et rarement M. le duc de Berry en particulier. Je ne pouvois en user de même sans éclat avec M. le duc d’Orléans, ainsi je me résolus à ce qui pourroit en arriver. Je me plaignis amèrement à lui de la

  1. Le nom est en blanc dans le manuscrit.