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fait fabriquer et produire, ce qui le jeta entre les bras d’Edouard III, pour se venger de sa mauvaise fortune contre son roi et sa patrie. Il n’en falloit pas tant avec des gens aussi accoutumés et attachés que le sont les Anglois aux formes légales et juridiques, pour les porter à demander toutes celles qui uniquement pouvoient valider solidement des renonciations si importantes à eux et à toute l’Europe, et dont leurs alliés se reposoient sur eux et sur leur propre intérêt, dans un traité dont ils s’étoient enfin rendus les maîtres.

Eux instruits et bien persuadés, c’étoit à M. le duc de Berry et à M. le duc d’Orléans à les laisser faire, à ne se montrer en rien, à laisser au roi les soupçons qu’il auroit voulu prendre, mais à se bien garder de tout ce qui auroit pu lui en donner lieu à cet égard ; en tout cas, en éditant bien attentivement toutes preuves possibles, l’un son petit-fils, l’autre son neveu, se consoler des reproches sans preuves et des humeurs, par la solidité avec laquelle ils s’assuroient une réciproque validité de leurs renonciations et de celles du roi d’Espagne, puisque le roi n’auroit eu en ce cas d’autre choix que celui de souffrir les formes que les anglois auroient exigées, ou de rompre la paix, auquel cas il n’y auroit point de renonciations, et de continuer une guerre que toutefois il ne lui étoit plus possible de soutenir.

Toutes ces choses m’étoient bien présentes, je les avois bien inculquées aux deux princes, et ils étoient bien persuadés. Défaire ce même ouvrage étoit une triste entreprise. Persuader contre sa propre conviction est un étrange embarras. Il fallut pourtant travailler en conformité de ce que le poids immense de M. de Beauvilliers sur moi m’avoit fait lui promettre. Le récit en détail en seroit long et ennuyeux ; je me contenterai de dire que je commençai par éloigner, et empêcher après, toute instruction et tout concert des Anglois. Je revins auprès des deux princes à des réflexions de prudence et de timidité sur le danger que le roi pût découvrir