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simple testament de Charles II avoit appelé Philippe V à ses couronnes ; qu’il est clair par là qu’il ne manqueroit rien à l’exclusion de M. le duc de Berry et de M. le duc d’Orléans de la succession d’Espagne, pour avoir toute la légalité et la certitude qui la pouvoit opérer, tandis que celle du roi d’Espagne et de sa postérité à la couronne de France ne recevroit pas le moindre degré de validité. Je lui retraçai les raisons qui l’avoient persuadé de la nécessité des formes que j’avois proposées, et qui avoient été si approuvées de lui chez le duc de Chevreuse, lequel étoit aussi du même avis, à cette petite augmentation près que le duc de Noailles avoit imaginée, et que lui avoit si fort rejetée ; que de tout cela il résulteroit que les deux princes et leur postérité demeureroient exclus sans retour de toute prétention à la couronne d’Espagne, tandis que le roi d’Espagne et la sienne demeureroient dans tous leurs droits sur celle de France, parce que sa renonciation, faite de bonne foi de sa part, se trouveroit destituée de celle de la nation française à lui et aux siens, et par conséquent ne seroit qu’un vain leurre qui ne pouvoit jamais acquérir aucun droit aux ducs de Berry et d’Orléans, au préjudice de la branche d’Anjou aînée de la leur. La conversation fut longue ; M. de Beauvilliers demeura persuadé, mais sans espérance du côté du roi.

Le lendemain nous nous revîmes. Il me représenta la nécessité pressante de la paix, les instances continuelles des Anglois sur les renonciations, l’impossibilité de vaincre le roi sur un article qui lui étoit aussi sensible que celui de son autorité unique ; que l’enregistrement des traités de paix étant en usage, et allant, non à confirmer son autorité par une autre, mais simplement à la promulguer, il consentiroit par cette raison à l’enregistrement des renonciations comme d’une partie intégrante du traité de paix ; qu’on auroit même peine à lui faire goûter qu’il se fît séparément de l’enregistrement du traité même, c’est-à-dire qu’il se fît deux enregistrements au lieu d’un seul du traité ; et qu’il