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oser faire au roi une proposition qu’il trouveroit si choquant cette autorité dont il étoit idolâtre, à la déification de laquelle il avoit employé tout son règne. Ils m’ont laissé ignorer ce qui se passa là-dessus ; et je n’ai pas cru devoir crocheter des amis si respectables, et qui d’ailleurs avoient en moi la plus parfaite confiance, soit qu’au fait et au prendre ils n’aient osé faire la proposition après avoir bien tâté et reconnu le terrain, qui est ce que le secret à mon égard m’a fait soupçonner, soit qu’ils aient été repoussés sans espérance. Vers la fin de Fontainebleau, M. de Beauvilliers me déclara que le roi n’entreroit jamais dans ces formes, et qu’il ne vouloit ouïr parler que d’un simple enregistrement des renonciations au parlement et tout au plus d’y appeler les deux princes intéressés et les pairs ; encore n’en voudroit-il pas répondre.

Je lui dis qu’en cela comme en tout le roi étoit le maître, mais que cela n’auroit nulle validité ; que les alliés seroient bien simples s’ils s’en contentoient, et les deux princes intéressés encore plus, à qui cela coupoit la gorge. Ce terme l’effraya, et je m’expliquai. Je lui dis donc que ces renonciations étoient doubles et réciproques ; qu’en Espagne la forme de toute espèce de législation étoit certaine et reconnue ; que cette même forme servoit encore pour la reconnoissance d’un roi et de son héritier, pour son inauguration, pour les serments à lui faire, en un mot, pour tout ce qu’il y avoit de plus grand et de plus auguste à traiter ; que cette forme étoit les états généraux connus sous le nom de las cartes, où les grands, les prélats, la noblesse, les conseils, les tribunaux et les députés des villes se trouvoient, où le roi présidoit, et où tout ce qui passoit étoit immuable ; que c’étoit là où les renonciations de M. le duc de Berry et de M. le duc d’Orléans passeroient et seroient admises et enregistrées en loi, sans retour pour eux et leur postérité, outre que le pouvoir des rois d’Espagne, peu ou point astreint aux formes, les pouvoit exclure de la succession, comme le