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sa présence, et que, de quelque côté qu’il se rangeât, tous y acquiesçassent. J’y consentis avec plaisir, et je répondis pour MM. de Charost et d’Humières. Le duc de Noailles, qui comptoit l’emporter par là, accepta pareillement. J’avois déjà parlé à M. de Beauvilliers de cette dispute, mais légèrement ; M. de Chevreuse aussi. M. de Beauvilliers, qui alors se trouvoit fort occupé des affaires, ne vouloit point perdre inutilement son temps, et nous avoit dit à l’un et à l’autre qu’il falloit nous assembler, et là décider et convenir sur les raisons de part et d’autre ; et ç’avoit été là-dessus que M. de Chevreuse nous avoit proposé séparément, au duc de Noailles et à moi, d’en passer par l’avis dont seroit M. de Beauvilliers. Le duc de Noailles me parla après de cette proposition de M. de Chevreuse. Lui et moi nous la fîmes aux ducs de Charost et d’Humières, qui en convinrent aisément. L’affaire pressoit, et les Anglois vouloient savoir à quoi s’en tenir. Ainsi M. de Beauvilliers, comme le plus occupé, ne tarda pas à nous donner l’après-dînée qu’il se prévoyoit la plus libre, et voulut que nous nous assemblassions dans la petite chambre de l’appartement du duc de Chevreuse, qui étoit de plain-pied à la cour des Fontaines, du côté le plus proche de la chapelle, sous une partie de l’appartement de la reine mère. Nous arrivâmes tous presque en même temps.

M. de Beauvilliers ne voulut pas qu’on dît un mot de ce qui nous assembloit que tous ne fussent arrivés. Alors il pria la compagnie d’entrer en matière. C’étoit à qui vouloit inclure à ouvrir pour en proposer les raisons, et à qui vouloit exclure à les réfuter, qui par conséquent ne pouvoient parler qu’après les autres. Ainsi, après un petit mot en gros de ce qui nous assembloit, M. de Beauvilliers regarda les ducs de Chevreuse et de Noailles, et les pria d’exposer ce qu’ils avoient à dire. Il y eut entre eux un court combat de civilité à qui prendroit la parole. M. de Chevreuse la vouloit laisser à M. de Noailles, de qui venoit l’avis qu’il avoit