Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

duc de Noailles s’étoit chargé, je ne crus pas devoir amuser plus longtemps deux princes si fort intéressés, qui prenoient en moi toute confiance là-dessus, et qui n’avoient personne autre en qui la pouvoir prendre. J’expliquai donc ce que je pensois là-dessus à M. le duc d’Orléans, qui étoit fort instruit lui-même de notre histoire ; et la discussion de cette importante matière dura plusieurs conversations longues entre lui et moi. Je voyois peu M. le duc de Berry et comme point en particulier, et comme il étoit peu instruit il auroit fallu plus de temps avec lui. Je ne voulus rien qui pût être remarqué ; ainsi M. le duc d’Orléans, bien persuadé de la solidité unique de ce que je lui proposai, se chargea d’en informer M. le duc de Berry, qu’il persuada parce qu’il l’étoit lui-même. Je ne voulus point que M. le duc de Berry m’en parlât, parce que ce n’auroit pu être qu’en particulier, ni Mme la duchesse de Berry par la même raison, et, comme je l’ai dit ailleurs, que je ne voyois plus que très-rarement, et un moment en public. M. le duc d’Orléons et Mme de Saint-Simon étoient des canaux qui y suppléoient aisément, et par qui je sus aussi combien ils étoient contents, et persuadés qu’il n’y avoit aucun autre moyen solide que celui que j’avois proposé à M. le duc d’Orléans.

Ces choses en étoient là aux approches du voyage de Fontainebleau, et M. le duc de Noailles n’avoit pas encore achevé son mémoire. Il s’excusa sur l’importance de la matière et le nombre de choses qu’il falloit examiner, puis choisir et ranger ; mais il nous assura toujours qu’il seroit en état de nous montrer le mémoire dans les premiers jours que le roi seroit à Fontainebleau, où nous allions tous en même temps que lui, à deux ou trois jours près. Les détails se prolongèrent, et nous découvrîmes qu’il avoit des gens obscurs cachés tout au haut de son logement dans la galerie de Diane qui donne sur le jardin, qu’il faisoit travailler, dont il refondoit continuellement l’ouvrage, qui par là ne finissoit jamais. La découverte ne lui fut point cachée, il ne put si bien la