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avoit pas assez longtemps que M. le duc de Berry étoit sorti d’entre ses mains pour voir cette conduite telle qu’elle étoit, et telle qu’elle devoit être considérée. Meudon, par où il avoit commencé à respirer quelque air de liberté, n’étoit pas une cour propre à lui donner là-dessus des idées raisonnables ; aussi peu les jeunes dames de la cour de sa délicieuse belle-sœur avec qui il avoit passé ses moments les plus libres ; et Mme la duchesse de Berry, telle qu’on a pu la voir en quelques endroits de ces Mémoires, n’étoit bonne qu’à l’écarter de plus en plus du duc de Beauvilliers. Dans cette situation de ces deux princes, j’étois le seul qu’ils pussent et voulussent consulter.

La confiance de M. le duc d’Orléans en moi, communiquée par lui à M. le duc de Berry, étoit aidée de la commodité à son égard de ma position, par la place que le roi avoit forcé Mme de Saint-Simon de prendre auprès de Mme la duchesse de Berry. Tous deux avoient le plus grand intérêt à ne pas renoncer à la couronne d’Espagne d’une manière solide et sans retour par les lois du pays, sans que toutes les précautions fussent également prises pour leur assurer la couronne de France par une renonciation aussi solide et aussi sans retour du roi d’Espagne et de sa postérité ; et c’étoit là sur quoi ils me consultoient. J’avois temporisé avec eux aisément, sous prétexte de la difficulté de la matière qu’il falloit approfondir, discuter, étudier à fond ; mais à la fin ils me pressèrent, pressés eux-mêmes par les nouvelles d’Angleterre.

J’avois eu occasion trop souvent, dans des temps d’oisiveté et de loisir, de causer et de raisonner d’histoire avec M. le duc d’Orléans, pour qu’il me pût croire absolument neuf sur ces matières. Il ne le laissa pas ignorer à M. le duc de Berry, et tous deux se mirent à me presser vivement. Je ne laissai pas de tergiverser encore ; mais lorsque je vis que nous étions d’accord, les cinq que j’ai nommés, sur la forme à proposer, et qu’il ne s’agissoit plus que du mémoire dont le