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Le testament de Philippe V ne leur étoit pas une réponse. On n’avoit pas oublié les écrits que le roi fit publier, quatre ou cinq ans après la paix des Pyrénées, lorsqu’à la mort du roi d’Espagne il se saisit d’une grande partie des Pays-Bas espagnols et de la Franche-Comté, sous prétexte des droits de la reine ; et le traité de partage, auquel l’empereur, seul de toute l’Europe, avoit refusé de consentir, étoit une autre raison bien forte pour faire tout craindre là-dessus. Une troisième n’étoit pas oubliée : les mêmes renonciations avoient été faites par le traité du mariage de Louis XIII, et néanmoins peu de temps après que Philippe V fut arrivé en Espagne, il y fit reconnoître et rétablir, au préjudice de ces mêmes renonciations, le droit à la couronne d’Espagne de M. le duc d’Orléans, tiré par lui de la reine sa grand’mère, épouse de Louis XIII. En effet, c’en étoit trop pour ne pas engager toute l’Europe à prendre ses précautions, et à s’assurer d’une manière solide. Mais c’étoit là où consistoit l’embarras ; les traités, les renonciations, les serments, parurent une foible ressource après ces exemples. On chercha donc quelque chose de plus fort ; on ne le put trouver dans la chose même parce qu’il n’y en a point de plus sacrées parmi les hommes que celles-là auxquelles on ne croyoit pas pouvoir se fier ; il fallut donc se tourner du côté des formes pour suppléer par la plus grande solennité qu’on y pourroit donner.

On fut longtemps là-dessus, et, bien que le roi offrît tout ce qu’on lui pourroit demander pour rassurer l’Europe contre le danger de voir jamais les deux couronnes sur la même tête, il ne vouloit rien accorder en effet, non pour réserver aux siens une porte de derrière, mais par l’entêtement de son autorité, à laquelle il croyoit que toute forme donnoit atteinte, puisqu’on en désiroit pour appuyer cette même autorité et y ajouter une solidité entière. Il étoit blessé là-dessus dans sa partie la plus sensible, absolu sans réplique comme il s’étoit rendu, et ayant éteint et absorbé jusqu’aux