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Torcy à la Haye inclusivement, jusqu’à la signature de la paix à Utrecht. Torcy lui-même en a fait toute la relation qu’il m’a communiquée, et c’en est la copie fidèle qu’on verra dans les Pièces. Je n’ai donc à ajouter à ce morceau si curieux de l’histoire de nos jours que ce qui n’a pu être dans cette importante relation, parce que, ne faisant pas partie de la négociation, Torcy n’a pas été en état de l’écrire quoique ayant un rapport direct à l’affaire de la paix, qu’il n’a pas ignorée, comme on le verra [1]. Nos malheurs domestiques et redoublés firent naître une difficulté qui accrocha la paix déjà réglée à Londres, et qui la retarda beaucoup. La reine Anne et son conseil furent arrêtés par la considération du droit du roi d’Espagne de succéder à la couronne de France, si l’auguste et précieux filet qui seul l’en excluoit venoit à se rompre, et de ce qu’il n’étoit pas possible à l’Angleterre, ni à aucune autre des puissances en guerre, de consentir à voir sur une même tête les deux premières couronnes de l’Europe. La difficulté fut donc proposée ; le roi n’étoit pas en état de ne s’y pas rendre ; il fallut donc travailler à la lever d’une manière si solide que le cas ne pût jamais arriver, et que toutes les puissances pussent être là-dessus en entière sûreté. Elles étoient justement alarmées de l’exemple récent du succès des renonciations du roi, si solennellement faites par le traité des Pyrénées et par celui de son mariage conclu en même temps par les deux premiers ministres de France et d’Espagne, assemblés en personne et qui les avoient signées en public après vingt-quatre conférences tenues ensemble aux frontières des deux royaumes, dans l’île des Faisans, sur la rivière de Bidassoa, jurées ensuite par les deux rois en personne, en présence l’un de l’autre et en public, à leur entrevue dans la même île, en accomplissant le mariage.

  1. Voy. les Mémoires de Torcy, qui font partie de toutes collections de Mémoires relatifs à l’histoire de France.