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d’alors. Cette belle duchesse de Montbazon, mère de M. de Soubise, étoit Avaugour des bâtards de Bretagne, qui ont été aussi connus sous les noms de Goello et de Vertus, et la mère de cette Avaugour étoit Fouquet de La Varenne, fille de ce fameux La Varenne, qui de fouille-au-pot, puis cuisinier, après portemanteau d’Henri IV, et Mercure de ses plaisirs, se mêla d’affaires jusqu’à devenir considérable, à avoir procuré le rétablissement des jésuites en France, et avoir partagé la Flèche avec eux, qui durent ce beau et riche collège à sa protection ; qui devint puissamment riche, qui se retira à la Flèche après la mort d’Henri IV, qui fut follement frappé, volant une pie, de l’entendre dire, crier et répéter : Maquereau, d’un arbre où elle s’étoit relaissée, sans qu’on pût jamais lui persuader que c’étoit quelque pie privée, échappée d’un village où elle avoit appris à parler [1]. Il prit cela pour un miracle pareil à celui de l’âne de Balaam, que c’étoit le reproche de sa vie et des péchés qui lui avoient valu sa fortune. Il quitta la chasse, se mit au lit ; la fièvre lui prit, et il en mourut en deux ou trois jours. C’est ce quartier [2] si honteux et si proche qui fit l’embarras pour Strasbourg, dont Mme de Soubise sortit par l’adresse et l’autorité que j’ai racontées, en faisant passer cette La Varenne, dont le nom est Fouquet, non du surintendant Fouquet, pour être La Varenne d’une très-bonne maison d’Anjou, éteinte lors depuis plus d’un siècle. M. de Soubise étoit frère de père et de mère de la seconde femme du duc de Luynes, qui épousa la sœur de sa mère, dont il eut le comte d’Albert, Mme de Verue, et nombre d’autres enfants. Il étoit oncle propre du duc de Montbazon, mort fou et enfermé à Liége en 1699, et du chevalier de Rohan, décapité à Paris devant la Bastille, 27 novembre 1674 ; enfin grand-oncle du

  1. Saint-Simon a déjà raconté cette anecdote (t. II, p. 66).
  2. Ce quartier de La Varenne est celui que Saint-Simon appelle orde (ignoble) dans un passage singulièrement altéré par les anciens éditeurs. Voy. t. II, p. 397.