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qui se jette dans l’Escaut près de Denain, qu’il avoit retranché, et y avoit laissé dix-huit bataillons et quelque cavalerie. Sur ces nouvelles, le maréchal Montesquiou pressa Villars d’y marcher.

Dans la marche, Montesquiou s’avança avec une tête, quatre lieutenants généraux et quatre maréchaux de camp, et envoya Broglio, depuis maréchal de France, avec la réserve qu’il commandoit, enlever cinq cents chariots de pain pour l’armée ennemie, ce qu’il exécuta fort bien et avant l’attaque de Denain. Montesquiou avec cette tête de l’armée arriva devant Denain à tire-d’aile, fit promptement sa disposition, et attaqua tout de suite les retranchements. Villars marchoit doucement avec le gros de l’armée, déjà fâché d’en voir une partie en avant avec Montesquiou sans son ordre, et qui le fut bien davantage quand il entendit le bruit du feu qui commençoit. Il lui dépécha ordre sur ordre d’arrêter, de ne point attaquer, de l’attendre, le tout sans se hâter le moins du monde, parce qu’il ne vouloit point de combat. Son confrère lui renvoya ses aides de camp, lui manda que le vin étoit tiré et qu’il falloit le boire, et poussa si bien ses attaques qu’il emporta les retranchements, entra dans Denain, s’y rendit le maître de toute l’artillerie et des magasins, tua beaucoup de monde, en fit noyer quantité en tâchant de se sauver, entre lesquels se trouva le comte de Dohna qui y commandoit, et se mit en posture de s’y bien maintenir s’il prenoit envie au prince Eugène de l’y attaquer, qui arrivoit avec son armée par l’autre côté de la rivière, qui fut témoin de l’expédition, qui recueillit les fuyards, et qui s’arrêta, parce qu’il ne crut pas pouvoir attaquer Denain emporté avec succès.

Tingry cependant, depuis maréchal de Montmorency, averti d’avance par Montesquiou, étoit sorti de Valenciennes et avoit si bien défendu un pont, qui étoit le plus court chemin du prince Eugène pour tomber sur le maréchal de Montesquiou, qu’il l’empêcha d’y passer, le força à prendre