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Mme de Maintenon et de M. du Maine. Sûre de ce côté-là, elle obtint un ordre du roi d’Espagne aux grands, et par conséquent à toute l’Espagne, de la traiter désormais d’Altesse et le duc de Vendôme aussi, auquel on expédia une patente qui lui donnoit tous les rangs, honneurs et prérogatives dont avoient joui les deux don Juan.

Cette nouveauté fit en Espagne un éclat prodigieux, et y causa un dépit et une consternation générale, dont il faut expliquer la raison. On a vu, lorsqu’on a traité de la dignité des grands d’Espagne qu’elle va d’égal avec tous les souverains non rois ; qu’elle ne cède à pas un ; et que, si les ducs de Savoie, comme le fameux Charles-Emmanuel, ont eu en Espagne quelque rare et très-légère préférence sur eux, elle a été plutôt de distinction que de rang, et masquée de l’honneur de son mariage avec l’infante qui à son tour étoit appelée à succéder à la couronne ; on ne parle point de ce qui s’y passa au voyage de Charles I, roi d’Angleterre, alors prince de Galles, parce que l’héritier présomptif de la couronne de la Grande-Bretagne est hors de toute parité. On n’a vu encore que, depuis la réunion des divers royaumes d’Espagne par le mariage de Ferdinand et d’Isabelle, on n’a vu jusqu’à Philippe V que deux fils d’Espagne, cadets, en âge d’homme : le frère de Charles-Quint qui y fut régent en son absence, et qui passa depuis en Allemagne où il fut roi et empereur et fonda la branche impériale souveraine des États héréditaires d’Allemagne, et Ferdinand, fils de Philippe III, né en 1609, cardinal et archevêque de Tolède sans avoir été dans les ordres, et gouverneur des Pays-Bas, où il mourut en 1641 n’ayant pas trente-deux ans ; ainsi nulle postérité et point de princes de la maison d’Espagne. De bâtards reconnus, on n’y en a vu que deux, tous deux du nom de don Juan d’Autriche, et tous deux personnages surtout le premier fils de Charles-Quint, né d’une mère inconnue en 1543, célèbre par le gain de la bataille de Lépante, et qui commanda presque toujours en chef les