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cruellement, le roi n’eût pas souffert que le comte de Toulouse en eût fait la folie, dont les suites étoient sans fin et eussent fait le bourreau de ce qui lui restoit de vie ; et plus que vraisemblablement à la fin et après lui l’éradication de ses bâtards, avec le feu allumé pour la succession de M. le Prince, qui eût jeté les princes du sang du côté de M. le duc d’Orléans. Sa suite et sa maison étoient sans comparaison de celles des bâtards. M. le duc de Berry étoit son gendre, abandonné alors d’amour à son épouse qui étoit toute à son père et ce bas courtisan si avide de plaire, quand il n’en coûte point de péril, et le gros du monde de même, n’eût pas pris aisément parti contre M. le duc d’Orléans, dans de telles extrémités, dans la position où il étoit, et dans celle où l’âge du roi montroit en perspective M. le duc de Berry et lui.

Voilà sans doute ce que le duc du Maine redouta, et qu’il sut parer avec adresse par le prompt usage du marquis d’Effiat et de ses salutaires avis. Mais je parlois à sa sœur qui, en comparaison de lui, comptoit pour rien mari et enfants, et prodige d’orgueil, sans l’aimer ni l’estimer. Je n’eus donc garde de lui montrer rien de ce sur quoi je viens de m’étendre. Je me contentai de blâmer le conseil en gros par d’autres raisons dont je pus m’aviser, et plus encore une résolution si subite. Tandis que nous causions ainsi tous deux seuls, M. le duc d’Orléans entra ; jamais je ne vis homme si profondément outré et abattu. Il me redit ce que je venois d’entendre qui s’étoit passé entre le roi et lui, entre son lever et la messe, et l’ordre qu’il avoit envoyé, au retour de cette conversation, pour que Humbert s’allât remettre à la Bastille. Je lui témoignai, comme j’avois fait à Mme la duchesse d’Orléans, ce que je pensois là-dessus, mais faiblement, parce que la chose étoit faite, et que l’état où je le vis me fit plus de compassion qu’il ne me laissa espérer des partis vigoureux. Je leur rendis ce que j’avois appris de Maréchal, mais en supprimant le duc du Maine,