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lui voyois souvent sur son bureau des certificats pour des chevau-légers, etc., où ces titres étoient ; et toujours je lui disois : « Seigneur du duché de Chaulnes ; mais duc non. » II riochoit, ne répondoit qu’à demi, et disoit qu’il le pouvoit prétendre. Lorsqu’il fut question de l’édit, il fallut discuter ensemble plus sérieusement une prétention dont, à l’imitation de d’Antin, il vouloit faire le chausse-pied de son second fils. Il prétendit donc que M. de Chaulnes, par la donation et la substitution de ses biens, et en particulier de Chaulnes, les avoit donnés et substitués comme il les possédoit, et par conséquent la dignité de laquelle il jouissoit.

Je serois infini, et très-inutilement, si je m’amusois à réfuter ici un paradoxe aussi absurde et aussi nouveau ; mais il fallut en discuter avec lui la nouveauté et l’absurdité, et se livrer à l’ennuyeuse complaisance de laisser couler ses longs raisonnements. Il me mit après en avant des coutumes particulières des lieux, qui pouvoient bien régler les transmissions des biens, mais jamais en aucun cas celle des dignités. Enfin il se retrancha sur une compensation, en abandonnant la prétention de la première érection de Chevreuse. C’étoit étayer une chimère par une autre. Chevreuse avoit été érigé en duché-pairie pour M. de Chevreuse, dernier fils du duc de Guise, tué aux derniers états de Blois. Il avoit épousé la veuve du connétable de Luynes, mère du duc de Luynes, père du duc de Chevreuse, à qui je parlois. Sa grand’mère avoit eu pour ses reprises le duché de Chevreuse à la mort de ce second mari, lequel duché, c’est-à-dire la terre, étoit passé d’elle à son fils, puis à son petit-fils avec ses autres biens. Chevreuse, duché-pairie alors éteint, avoit été érigé de nouveau, mais sans pairie, et vérifié au parlement pour M. de Chevreuse par la faveur de M. Colbert, dont il venoit d’épouser la fille aînée, et jamais M. de Chevreuse n’avoit osé rien prétendre au delà.

Je pris donc la liberté de me moquer de cette seconde