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qui lui fut imputé, et dont M. du Maine a su tirer tous les avantages qu’il en avoit attendus jusqu’au delà de ses espérances, et qui eussent mis la confusion dans l’État s’ils eussent été prodigués à un homme moins failli de cœur et de courage, et d’un mérite moins universellement décrié de tous points.

Dans tous les temps le Dauphin avoit goûté M. le duc d’Orléans. Dès sa jeunesse le duc de Chevreuse le lui avoit fait valoir, parce que le duc de Montfort, son fils aîné, étoit intimement avec M. le duc d’Orléans, et que M. de Chevreuse lui-même le voyoit assez souvent, et se plaisoit à s’entretenir avec lui d’histoire, mais surtout de sciences, souvent de religion, où il vouloit le ramener. L’archevêque de Cambrai le voyoit aussi, et se plaisoit fort avec lui ; et réciproquement M. le duc d’Orléans l’avoit pris en amitié, et en telle estime qu’il se déclara hautement pour lui lors de sa disgrâce, et qu’il ne varia jamais depuis là-dessus. Cela lui avoit attaché tout ce petit troupeau, quoique de mœurs si différentes ; et on sait ce que ce petit troupeau pouvoit sur le Dauphin, très-particulièrement l’archevêque de Cambrai, M. de Chevreuse et le duc de Beauvilliers, qui n’étant qu’un avec eux ne pouvoit être différent d’eux sur M. le duc d’Orléans. Indépendamment de ces appuis, ces deux princes se rencontroient souvent chez le roi, très-ordinairement les soirs chez la princesse de Conti, où ils se mettoient en un coin à parler sciences, et on n’en pouvoit parler plus nettement, plus intelligiblement ni plus agréablement que faisoit M. le duc d’Orléans. C’étoit donc une liaison de tous les temps entre eux à être bien aises de se rencontrer, et à leur aise ensemble, autant que des personnes de cette élévation et de vie aussi différente en pouvoient former. Le mariage du Dauphin et l’union de ce mariage augmenta encore la liaison.

La Dauphine étoit fort attachée à M. et à Mme de Savoie. Elle trouva ici Monsieur, père de Mme de Savoie, et de M. le duc