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L’espèce de de la maladie du Dauphin, ce qu’on sut que lui-même en avoit cru, le soin qu’il eut de faire recommander au roi les précautions pour la conservation de sa personne, la promptitude et la manière de sa fin, comblèrent la désolation et les affres, et redoublèrent les ordres du roi sur l’ouverture de son corps. Elle fut faite dans l’appartement du Dauphin à Versailles comme elle a été marquée. Elle épouvanta. Ses parties nobles se trouvèrent en bouillie ; son cœur, présenté au duc d’Aumont pour le tenir et le mettre dans le vase, n’avoit plus de consistance, sa substance coula jusqu’à terre entre leurs mains ; le sang dissous, l’odeur intolérable dans tout ce vaste appartement. Le roi et Mme de Maintenon en attendoient le rapport avec impatience. Il leur fut fait le soir même chez elle sans aucun déguisement.

Fagon, Boudin, quelques autres y déclarèrent le plus violent effet d’un poison très-subtil et très-violent, qui, comme un feu très-ardent, avoit consumé tout l’intérieur du corps, à la différence de la tête qui n’avoit pas été précisément attaquée, et qui seule l’avoit été d’une manière très-sensible en la Dauphine. Maréchal, qui avoit fait l’ouverture, s’opiniâtra contre Fagon et les autres. Il soutint qu’il n’y avoit aucunes marques précises de poison ; qu’il avoit vu des corps ouverts à peu près dans le même état, dont on n’avoit jamais eu de soupçon ; que le poison qui les avoit emportés, et tué aussi le Dauphin, étoit un venin naturel de la corruption de la masse du sang enflammé par une fièvre ardente qui paraissoit d’autant moins qu’elle étoit plus interne ; que de là étoit venue la corruption qui avoit gâté toutes les parties, et qu’il ne falloit point chercher d’autres causes que celles-là, qui étoient celles de la fin très-naturelle qu’il avoit vu arriver à plusieurs personnes, quoique rarement à un degré semblable, et qui alors n’alloit que du plus au moins. Fagon répliqua, Boudin aussi, avec aigreur tous deux. Maréchal s’échauffa à son tour, et maintint fortement son avis. Il le conclut par dire au roi et à Mme de Maintenon, devant