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que Sa Majesté avoit déjà reçue, pour réparer de plus en plus ce qu’ils avoient écrit contre lui ; et dans l’une et l’autre pièce, pas un mot du livre du P. Quesnel. Le Dauphin, fort ignorant des profondeurs des jésuites et de l’ambition de l’évêque de Meaux, crut avoir tout fini, et que le bruit qui s’étoit fait sur ce livre tomberoit avec la querelle personnelle dont il étoit venu au secours, ou que, s’il y avoit en effet de la réalité dans les plaintes si nouvelles d’un livre si anciennement approuvé et estimé sans contradiction de personne, les choses se passeroient en douceur et en honnêteté entre des évêques raccommodés. Il n’étoit pourtant pas difficile de voir l’artifice. Un mandement à faire, puis à mettre à l’examen étoit de quoi tirer de longue, et faire naître toutes les difficultés qu’on voudroit ; et le silence spécieux sur le livre laissoit toute liberté là-dessus, après la réconciliation même faite, sous le beau prétexte de la pureté de la doctrine. Mais le Dauphin auroit fait scrupule de penser si mal de son prochain. Combien était-il éloigné d’imaginer ce nombre de lettres qui se fabriquoient alors, et la surprenante aventure qui en mit au jour sous les yeux du public le scélérat mystère, et qui l’a transmis à la postérité ! Le Dauphin en arrivant de Fontainebleau prit l’appartement de Monseigneur.

Le lendemain de l’arrivée de Fontainebleau le duc de Noailles revint d’Espagne, et salua le roi chez Mme de Maintenon. Il en avoit reçu l’ordre. Je différerai d’en expliquer les raisons jusque tout à la fin de cette année, pour n’y être pas interrompu par le récit d’autres événements.

Le roi, ayant su que le prince de Carignan, fils du célèbre muet, avoit servi dans l’armée de M. de Savoie, confisqua tous ses biens en France, et donna dessus douze mille livres de rente au prince d’Espinoy, qui avoit aussi des biens confisqués en Flandre. C’est ce même prince de Carignan qui, longtemps depuis, épousa la bâtarde de M. de Savoie et de Mme de Verue, avec qui il vint après vivre et mourir à